TOUT EST DIT

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samedi 29 octobre 2011

Les lois de l'Univers sont contre nous

"Si quelque chose peut mal tourner, cela tournera mal." Etablie empiriquement à la fin des années 1940 par un ingénieur de l'US Air Force qui lui donna son nom, la loi de Murphy, ou loi de la guigne maximum, est dotée d'amusantes extensions dont la plus célèbre est sans nul doute la loi de la tartine beurrée : "La tartine tombe du côté du beurre." D'aucuns expliquent instinctivement le phénomène en disant que la couche de matière grasse provoque une dissymétrie du moment d'inertie du toast ou de son aérodynamique. En réalité, dans une étude aussi pleine de science que d'humour britannique, publiée en 1995, dans l'European Journal of Physics, Robert Matthews a montré que le beurre, si déterminant pour le goût, n'était que quantité négligeable dans l'histoire : si la tartine atterrit du mauvais côté, c'est tout simplement, prouve cet article, parce que les lois de la nature sont contre nous. L'examen de la chute de la tartine beurrée met en lumière le caractère profondément maléfique de l'Univers. On s'en doutait, à regarder le journal télévisé, mais une preuve scientifique vaut mieux qu'une supputation.

Robert Matthews passe au crible la dynamique du toast tombant d'une table. Glissement, friction, rotation, tout y passe. La première conclusion est que la tranche de pain (de baguette ou de pain de mie, les deux sont étudiés) n'a en général pas le temps de faire un tour complet. On aurait pu s'arrêter là et passer au corollaire de cette loi, à savoir : "La probabilité pour qu'une tartine tombe du côté beurré est directement proportionnelle au prix du tapis." Mais Robert Matthews s'intéresse à la physique et non à l'économie, et il aime visiblement aller au fond des problèmes.

Comme on peut s'en apercevoir en lisant les formules dont son article est émaillé, l'élément principal qui provoque le drame de la tartine, si l'on met de côté votre maladresse ou le fait que vous n'auriez pas dû vous rincer à la vodka hier soir, est la hauteur de la table. Or, celle-ci est directement déterminée par la taille de l'humain moyen, qui est elle-même le résultat de l'évolution.

La bipédie que nos lointains ancêtres ont acquise il y a quelques millions d'années est un facteur qui limite de notre taille pour des raisons de sécurité : si l'homme marchait à quatre pattes, il ne risquerait pas, même en mesurant plus de 3 mètres, de se briser le crâne à la moindre gamelle. La hauteur de la table dépend donc de la résistance de nos os à la chute, donc de la structure de la matière, de la masse du proton et de l'électron et de la constante de la structure fine qui régit la force électromagnétique assurant la cohérence des atomes. Sont aussi impliquées la vitesse de la lumière (pour le calcul de l'énergie) et les lois de la gravitation. Au final, tous les organismes humains sont destinés à expérimenter à leurs dépens la loi de Murphy appliquée à la tartine, ce en raison des constantes fondamentales de l'Univers fixées lors du Big Bang.

Pour confirmer son étude, Robert Matthews a, en 2001, fait effectuer un immense test en recrutant des écoliers dans tout le Royaume-Uni. Sur plusieurs milliers de chutes de tartines, 62 % de celles-ci ont atterri côté beurré, ce qui est significativement plus que ce que le pur hasard autoriserait. Et il y a une explication pour les 38 % qui ont fini à l'endroit : on avait beurré le mauvais côté.

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