samedi 22 octobre 2011
L’éclosion des doutes
La démocratie est belle, mais sans pitié pour les rêves. Elle n’est pas encore installée qu’elle soulève déjà des interrogations et même des craintes. Le temps de la maturité succédera-t-il au printemps arabe? La liberté conquise par la révolution ne risque-t-elle pas d’être trahie par un régime politique qui détournera ses valeurs? Le progrès sera-t-il forcément l’aboutissement logique du renversement de Ben Ali en février dernier?
L’incertitude n’a d’égal que l’enjeu de ces premières élections libres. L’une et l’autre sont immenses. Avec 11.000 listes en présence pour seulement 7 millions d’électeurs on peut douter d’une issue tout à fait rationnelle du scrutin. Voilà bien le terrible héritage des dictatures: l’inexpérience électorale. C’est elle et le choc de contradictions, de fierté et de prétentions, qui peuvent ruiner les élans les plus prometteurs.
Après avoir été les vrais inspirateurs de la révolution, les «modernistes» se sont ensuite montrés incapables de trouver un terrain d’entente, et c’est donc divisés qu’ils affronteront la sanction des urnes. Un aveu de faiblesse face aux islamistes conservateurs d’Ennhada qui, fort de leur unité, apparaissent clairement favoris pour arriver en tête dimanche soir ou lundi. Dès lors, resurgit la peur d’une remise en question d’un modèle laïc longtemps associé au pouvoir de Ben Ali et aujourd’hui fragilisé par une situation sociale nettement dégradée dans de nombreux quartiers.
Ce n’est pas l’idéologie, en effet, qui sera au cœur du vote mais la pauvreté. De loin les mieux organisés de tous les partis en compétition, les islamistes d’Ennhada ont méticuleusement tissé des réseaux d’assistance sur le terrain, maniant habilement la promesse électorale de base et les engagements rassurants: les femmes, répètent-ils, n’ont rien à craindre pour leurs libertés, elles qui craignent tant l’application de la charia et le retour de la polygamie.
Ce positionnement modéré, en apparence proche de celui du parti AKP au pouvoir en Turquie, a presque réussi à faire oublier sa dimension religieuse. Les candidats du parti favori bénéficient d’autant mieux d’une réelle popularité - les salles des meetings sont combles - qu’ils semblent les mieux protégés contre la gangrène de la corruption et de l’affairisme. Au bout du compte, le ressort moral comptera sans doute beaucoup dans le choix des électeurs, ils l’ont compris et ils vont en profiter.
Jusqu’à présent, l’Occident n’a jamais regretté Ben Ali. Cela ne l’empêche pas de se demander si le vent du printemps n’a pas ouvert la boite de Pandore.
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