TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

dimanche 6 février 2011

Egypte : Le jour où Obama a cru pouvoir lâcher Moubarak

Le récit des heures durant lesquelles Washington pensait avoir poussé le président égyptien vers la sortie.


Mardi 1er février. La nuit tombe sur la mer Rouge. A travers les fenêtres de son bureau, Hosni Moubarak peut contempler le spectacle. Depuis le début des manifestations, il réside dans le magnifique palais présidentiel de Charm el-Cheikh. Ce soir-là, entouré de ses proches conseillers, il ne cache pas sa fureur. A la fin d’une journée qui a vu plus d’un million de personnes se réunir dans la capitale pour réclamer son départ, son plus fidèle allié vient de le lâcher. A Washington, Barack Obama vient en effet d’indiquer au monde que la transition politique en Egypte devait s’effectuer « maintenant ». En d’autres termes, que le vieux dictateur devait quitter le pouvoir sans délai. Insulte suprême, le discours du président américain a été diffusé en direct et sur grand écran aux manifestants qui occupent toujours la place Tahrir, le cœur du Caire.
Le raïs est au plus mal. Pour se maintenir, il sait qu’il doit trouver une réponse, une issue politique, rapidement. Son armée elle-même donne des signes inquiétants. Troublée par la déferlante populaire qui s’est répandue dans les grandes villes égyptiennes, elle se montre très hésitante, voire rétive aux instructions… Entre le moment où il lui a ordonné de se déployer dans le centre de la capitale et celui où les soldats sont effectivement sortis de leurs casernes, de longues heures sont passées. Quant au chef d’état-major, le général Sami Anan, longtemps resté injoignable, il était à Washingto
Le cauchemar des Américains

A la Maison-Blanche, dans le Bureau ovale, on échafaude déjà l’après- Moubarak. Pour la diplomatie américaine, le pire scénario serait une transition chaotique à l’issue de laquelle les Frères musulmans parviendraient à prendre le contrôle du pays. Nul doute que dans ce cas, les islamistes dénonceraient l’accord de paix signé par l’Egypte avec Israël en 1979. Un cauchemar. Tout espoir de paix au Proche et au Moyen-Orient serait alors brisé pour de longues années. Pour l’éviter, on table sur les forces armées égyptiennes et sur un homme en particulier, le général Omar Souleimane, chef des services de renseignements. On souhaiterait que le raïs lui cède la place et que le maître-espion gouverne le pays jusqu’à la tenue d’élections générales. Moubarak sait que ce dernier, fidèle parmi les fidèles, est aussi un pragmatique dont les décisions seront au final guidées par l’intérêt de l’Etat et celui de l’armée. Le président égyptien fait un pas, il accepte une partie du projet poussé par les conseillers d’Obama. Quelques heures après le discours du président américain, il intervient à la télévision et annonce qu’il nomme Omar Souleimane, vice-président, à un poste qu’il avait supprimé à son arrivée au pouvoir en 1981. Il déclare aussi qu’il ne se présentera pas à la prochaine élection présidentielle prévue au mois de septembre. Bref, qu’il quittera le pouvoir dans sept mois.

« Qui vous dit qu’ils ne réclameront pas vos têtes ? »

Le raïs n’entend pas cependant se laisser dicter un calendrier politique par une administration américaine qu’il considère comme puérile et dangereuse pour son pays. A ses généraux se montrant le plus sensible aux sirènes de Washington (les Etats-Unis financent l’armée égyptienne à hauteur de 1,3 milliard de dollars et forment 500 de ses officiers chaque année) qui évoquent, mezzo voce, une « abdication » immédiate, ils posent cette question : « Qui vous dit qu’après mon départ ils ne réclameront pas vos têtes ? » La partie est gagnée, l’armée partage son analyse et ses craintes, le raïs tient sa revanche.
Le lendemain matin, mercredi 2 février, des milliers de personnes sorties d’on ne sait où débarquent dans le centre du Caire et s’attaquent violemment aux opposants regroupés place Tahrir. Sous l’œil impassible des soldats, le centre de la capitale devient un champ de bataille. La rhétorique du régime change de physionomie elle aussi. On évoque maintenant un complot fomenté par des forces « à la solde de l’étranger » qui cherchent à déstabiliser le pays. Pourchassés, arrêtés, violentés, les journalistes occidentaux, devenus des cibles, sont livrés à la vindicte des pro-Moubarack.

La contre-attaque de Moubarak

Du côté de Washington, c’est la panique. On ne comprend pas pourquoi les militaires égyptiens, avec lesquels le scénario de transition avait été élaboré, ne bougent pas. Pris de cours par cette contre-offensive qu’elle n’a pas vu venir, l’administration Obama dénonce officiellement « une campagne concertée » du régime contre la presse internationale. Mais en même temps, à l’abri des micros et des caméras, elle tente de reprendre langue avec l’entourage de celui qu’elle tenait la veille pour un moribond politique. Jeudi, encore furieux du lâchage américain, Hosni Moubarak refuse de rencontrer Franck G. Wisner, l’émissaire personnel de Barack Obama, envoyé au Caire à la hâte.
A la veille de la grande manifestation de vendredi, présentée par l’opposition comme celle « du départ », le vieux raïs, recevant une journaliste de la chaîne de télévision américaine ABC, pouvait lâcher sans honte : « J’en ai assez d’être président, j’aimerais bien abandonner le pouvoir maintenant, mais je ne peux pas le faire de peur que le pays ne sombre dans le chaos. »

0 commentaires: