TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

dimanche 6 février 2011

L'Etat contre son chef

Des tribunaux se révoltent contre Nicolas Sarkozy, sa personne même, sa manière d’être et de dire la politique. C’est un désastre, bien au-delà du drame de Pornic. La République se brise, quand un corps conservateur et discipliné récuse le Président et le proclame. En janvier, l’avocat général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, donnait aux sarkozystes une leçon cinglante, lors de la rentrée solennelle de la cour: "Inspirer à l’opinion des sentiments bas, la confusion entre la responsabilité du criminel et celle du juge, tout cela avilit, blesse la République." Les mots étaient là, une révolution pouvait suivre.On peut débattre du corporatisme des magistrats, et plaider le droit de Nicolas Sarkozy, élu par le peuple, à défendre les victimes, y compris contre l’institution judiciaire. Mais cette ligne a un prix, et le désarroi des magistrats n’est qu’un aspect du problème. A force de jouer le peuple, l’opinion, ses peurs et sa propre colère, le chef de l’Etat risque de perdre l’Etat. Il a bousculé et révolté ces hommes et ces femmes qui garantissent la République.

On voit des policiers se solidariser avec les juges nantais! On a vu des militaires exhaler leur rage, quand un de leurs chefs, traité d’amateur, avait dû démissionner après la fusillade de Carcassonne. On a deviné la douleur des diplomates, quand le représentant de la France à l’ONU était chassé de son poste pour avoir vexé le Président, ou quand notre raté tunisien est attribué au seul ambassadeur, aussitôt remplacé. Comme si la République de la touriste Alliot-Marie avait eu besoin d’un diplomate pour mépriser Sidi Bouzid! Et on a vu, enfin, des préfets se lever contre le pouvoir – même des préfets! L’été dernier, la très sage "association du corps préfectoral" s’était réunie dans l’urgence, pour vanter la "très grande valeur" et le "sens de l’Etat" du préfet de l’Isère, déplacé par le pouvoir après les émeutes de Grenoble. Ainsi se rebiffent les hauts fonctionnaires, bien élevés.

L’échec est un gâchis. Il y avait, chez Nicolas Sarkozy, un juste rejet du conservatisme, des structures empoussiérées, la volonté d’ouvrir les élites de ce pays à la diversité. Le refus aussi des situations acquises, des rentes statutaires, des intouchabilités, de l’irresponsabilité protectrice… Chez ce non-énarque, avocat pressé, secouant l’Etat comme un actionnaire à 100% fait jongler son entreprise, l’impératif de rupture s’est traduit par des nominations heureuses, mais aussi des algarades répétées, des conflits médiatisés, des humiliations vaines. Perçu comme indulgent envers les riches et les siens, le Président n’était pas crédible pour réformer préfets ou magistrats; ceux-ci, désormais, l’humilient en retour.

L’échec se mesure dans la perte du respect dû à sa fonction. On constate l’hostilité des structures même de l’Etat envers celui qui le conduit. Comme si l’Etat au plus profond de lui voulait un autre chef. Comme si Nicolas Sarkozy, après quarante-trois mois de présidence, était un opposant au sommet de la France.

0 commentaires: