TOUT EST DIT

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lundi 17 janvier 2011

Un bon client

Jusqu’au bout, il aura été égal à lui-même, s’appliquant à faire voler en éclats cette respectabilité qu’il n’a jamais cessé, au fond, de rechercher, sans jamais y parvenir. Éternel provocateur, l’homme politique qui manie le mieux la langue française - selon l’appréciation de François Mitterrand - et qui sait se montrer courtois quand il le veut, n’a jamais su résister à la tentation d’un de ces calembours au goût douteux quand ils ne sont pas teintés d’antisémitisme. Hier, pour sa sortie, il s’est laissé aller une dernière fois à l’exercice du dérapage, apparemment jubilatoire, qui a fait la ruine de son image.

Jean-Marie Le Pen a-t-il jamais été intéressé par le pouvoir ? Sans doute pas. C’est la scène qu’il préfère, à l’image de ces one-man-show déambulatoires qu’il s’est longtemps imposés pour éprouver le plaisir, raconte-t-il volontiers, de « faire l’amour avec la salle ». Le jeu, avec son lot d’outrance, d’emphase et de solennité de péplum, c’est ce qui l’a porté au-delà de l’ambition pendant 38 ans. 28 plus exactement, si on prend pour origine de son exceptionnelle exposition médiatique, la percée des européennes de 1984 où il a fait passer pour la première fois à son parti la barre des 10 %.

Au nom du politiquement correct, ils jureront le contraire mais ils l’avouent rapidement : certains médias vont se sentir orphelins de ce si bon client qui assurait toujours le spectacle, et qu’ils ont parfois utilisé sans vergogne pour faire de l’audience… en toute bonne conscience : il ne fallait censurer personne, n’est-ce pas ?

Par ses déclarations comme par son positionnement, M. Le Pen n’a jamais été « un homme politique comme les autres », et il s’en honore d’ailleurs. Cette singularité, non seulement assumée mais aussi cultivée lui a permis de perturber durablement l’espace politique jusqu’à aujourd’hui.

C’est précisément cet isolement que voudrait rompre sa fille Marine. Délibérément plus opportuniste que son père, elle a choisi les étendards de la République, de la laïcité et de l’État pour imposer sa différence. Pour faire préférer, aussi l’original à la copie, avec des thèmes, comme la sécurité et l’immigration, largement promotionnés depuis des mois par la droite classique.

Mais il ne faut pas se faire d’illusions : aussi réaliste que son père, la désormais présidente du FN ne bradera jamais le fonds de commerce paternel. Ce qu’elle veut, c’est juste agrandir la boutique. De Jean-François Copé à Xavier Bertrand, les voisins de l’UMP jurent, en boucle, qu’ils ne seront jamais sensibles aux charmes de la nouvelle taulière parce qu’elle ressemble à son père comme deux gouttes d’eau. Comme pour se persuader que le mur mitoyen avec la maison FN n’est pas poreux.


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