Évidemment, c’est tentant. Quand près de 90 % des Français sont favorables à un assouplissement du permis à points, ce n’est plus une majorité, c’est un plébiscite. En cette période de fêtes, il faudrait avoir le cœur bien sec pour refuser aux parlementaires de faire un joli cadeau à leurs électeurs en brisant le délai honni de trois ans pour récupérer l’intégralité des douze unités salvatrices.
Le gouvernement, jusque-là, a résisté. Jusqu’à quand ? Le risque de l’impopularité a ses limites. Et d’autant plus que l’image de l’exécutif n’est guère étincelante dans les enquêtes d’opinion, et qu’à l’horizon pointent déjà les rendez-vous électoraux de la présidentielle et des législatives. Il n’en faut pas plus pour que l’Assemblée ne soit le théâtre d’un télescopage entre un règlement de la route sévère mais juste et le lobby des automobilistes, l’un des plus puissants de France. Lequel de ces deux costauds va plier dans ce crash d’une des réformes les plus emblématiques de ces dix dernières années ?
La France peut-elle se permettre de lever le pied de la pédale de la répression pour décrisper un peu celui qui appuie sur l’accélérateur ? Rude dilemme. À l’inconfort de conduire l’œil rivé sur le compteur, il faudrait donc répondre par l’allégement de la sanction. Pas facile : c’est à la fois de la physique, du calcul et de la philosophie.
Il faut sans doute commencer par un constat : le nombre de morts a baissé, c’est incontestable, et le pays peut se réjouir que l’un des trois grands objectifs du second mandat de Jacques Chirac ait été en partie atteint. Qui croyait possible qu’il le soit? On se dit que les vies sauvées pèsent lourd dans ce débat et qu’elles méritent sans doute d’accepter la sévérité de la loi même si, de petits écarts insignifiants en petits écarts insignifiants, elle peut conduire certains à garer la voiture pour un bon moment. Les importantes conséquences personnelles et professionnelles d’un retrait peuvent paraître cher payées mais le risque d’une telle galère n’est-il pas, précisément, le garant d’une discipline permanente ?
À chacun sa morale, sûrement. À chacun ses indignations. À chacun ses récits de ce qui peut apparaître comme une injustice. À chacun sa conception de la prudence. Mais le palmarès français au volant n’incite pas à une conception laxiste ou à géométrie variable de contraintes que notre génie national parviendra à contourner ou à détourner. En contrepartie, l’État ferait bien de ne pas en faire trop non plus en donnant le sentiment de traquer l’excès et de verbaliser facile. La vitesse ne doit pas non plus rester le seul paramètre - facile à contrôler - d’une vraie évolution des comportements. À quand une police de la route, exorbitante, qu’on promet aux Français depuis si longtemps ? De la justice plus ciblée contre la folie au volant.
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