Le premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, n'en démord pas. Jeudi 16 décembre, dans un entretien à Libération, il a de nouveau insisté pour que soit discuté l'instauration d'euro-obligations lors du Conseil européen qui réunit les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres jeudi et vendredi à Bruxelles.
Du fait du peu de confiance qu'ont les marchés dans leurs finances, ces deux pays ont en effet vu les taux d'intérêts de leur dette exploser. A tel point que les écarts de taux d'intérêts entre les pays de la zone euro les plus fragiles et les plus solides – Allemagne en tête – atteignent aujourd'hui des records. A titre d'exemple, l'Irlande peut emprunter aujourd'hui à 8 % sur dix ans, contre à peine 3 % pour l'Allemagne.
D'où la nécessité, selon Jean-Claude Juncker, d'emprunter de manière commune pour mutualiser les risques et protéger les plus faibles face aux attaques des spéculateurs. Des emprunts qui se feraient tous au même taux.
Le dispositif pourrait notamment passer par une Agence européenne de la dette qui émettrait ces obligations. Jean-Claude Juncker et le ministre des finances italien, Giulio Tremonti, ont ainsi proposé que les pays de l'UE émettent jusqu'à 50 % de leurs nouveaux emprunts par ce biais. Les pays les plus fragiles pourraient monter jusqu'à 100 %.
REJET FRANCO-ALLEMAND
Mais Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont plusieurs fois expliqué qu'ils ne voulaient pas de ces euro-obligations. Pour la chancelière allemande, elles "ne permettent pas de concurrence entre les taux d'intérêt". Or "la concurrence des taux d'intérêt est une incitation à respecter les critères de stabilité", juge-t-elle, les investisseurs récompensant par des taux bas les pays les plus vertueux.
Berlin craint que certains Etats, parés de la sécurité de ces obligations, ne fassent plus l'effort de contrôler leur dette. A cela s'ajoute un argument budgétaire évident : l'Allemagne emprunte actuellement à un taux inférieur à la moyenne européenne. Avoir recours à des euro-obligations renchérirait de 17 milliards d'euros par an le coût de sa dette, estimait le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le 13 décembre.
Pour tenter de vaincre les réticences franco-allemandes, certains économistes et responsables politiques, comme l'ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, ont proposé de n'inclure dans ce marché des euro-obligations que la première tranche de 60 % de la dette publique des pays. Au-delà, les Etats devraient se débrouiller seuls. Une manière de les encourager à ramener le volume de leurs dettes sous le seuil de 60 % du PIB, qui est en principe le plafond maximal autorisé dans l'UE.
Mais de tels aménagements ne suffiront pas à convaincre Berlin. Les euro-obligations ne sont "pas une solution", a réaffirmé mercredi Angela Merkel à Berlin. "Je suis suffisamment réaliste pour savoir que […] cette question n'occupera pas le devant de la scène et qu'aucune décision dans un sens ou dans un autre ne pourra être prise" lors du conseil de jeudi et vendredi, admet d'ailleurs Jean-Claude Juncker.
Paris et Berlin préfèrent tous deux assurer la pérennité du Fonds européen de stabilité financière (FESF) doté de 440 milliards d'euros qui prête par la suite aux membres en difficulté. A Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement devraient décider d'engager un changement de traité pour créer un mécanisme permanent de solidarité financière pour remplacer le FESF, qui prendra fin en 2013.
Certains pays souhaitent également augmenter ses fonds afin de rassurer les marchés financiers. Mais là encore, Angela Merkel freine, de crainte qu'une telle hausse déresponsabilise les Etats en difficulté.
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