TOUT EST DIT

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mardi 28 décembre 2010

Sur les quais de 2010

Les bilans de l'année écoulée s'égrènent dans la presse et tous soulignent à juste titre les convulsions monétaires et financières et leurs cortèges de conséquences sociales. D'ordinaire, ces réalités se décrivent et s'analysent à l'aide de courbes et tableaux statistiques. Mais en février 2010, c'est un long reportage, « Les Quais de Ouistreham », qui a sans doute le mieux exprimé la souffrance sociale. L'idée de son auteur, Florence Aubenas, de passer plusieurs mois en observatrice anonyme de la vie de prolétaires n'était pas une innovation. En 1935, la philosophe Simone Weil avait travaillé à la chaîne chez Renault dans le but d'écrire « La Condition ouvrière », qui ne sera publié qu'après sa mort. Dans un genre similaire, la journaliste Anne Tristan s'était immergée incognito en 1987 dans une section marseillaise du Front national pour en tirer son édifiant ouvrage, « Au Front ». Bien que l'idée ne fut donc pas neuve, le livre de Florence Aubenas a connu un immense succès qui fait de lui un bon symbole de l'année 2010.

Outre la notoriété de l'auteur, connue pour son courage lors de sa captivité en Irak en 2005, il y a au moins deux explications à ce succès symbolique. La première est qu'elle a été la voix d'une immense foule de sans-voix, de ceux que Marx appelait l'armée de réserve du capital. Elle décrit simplement la précarité dans des zones industrielles en perdition, la dureté des conditions de vie et de travail de salariés intérimaires, parcellisés, exploités, effectuant les tâches les plus ingrates tout en cherchant à conserver leur dignité. La seconde explication est qu'en lisant « Les Quais de Ouistreham », on ne se dit pas, comme devant « Germinal », que c'est un univers économique appelé à disparaître. On se dit que l'auteur dépeint peut-être notre avenir si rien n'est fait pour enrayer la course folle de l'économie financière. Cette crainte qui enveloppe le lecteur de Florence Aubenas du début de l'année est la même que celle qui fait, en cette fin d'année, un triomphe au petit opuscule de Stéphane Hessel « Indignez-vous ! ». C'est donc bien elle, la vedette de 2010.

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