mardi 28 décembre 2010
Les nouvelles puissances mondiales
L'année 2010 aura confirmé deux faits : la montée en puissance des pays émergents et le déclin relatif du monde occidental. Il est sans doute trop tôt pour affirmer que nous sommes entrés dans un monde « post-occidental », mais il est clair qu'il est devenu multipolaire. Aucun pôle n'est majeur. L'Amérique et ses alliés sont empêtrés en Afghanistan, avec pour seul espoir celui d'en sortir au plus vite. Les États-Unis sont plus divisés que jamais et toujours plus fragiles, compte tenu de leurs multiples déficits. Puissance toujours « indispensable », l'Amérique n'est plus une puissance « suffisante ». L'Europe, en pleine crise identitaire, se bat pour la survie de l'euro. Elle est plus encline à se protéger du monde qu'à agir sur lui.
L'instabilité aggravée du monde naît de la rencontre entre deux grandes tendances. Alors que le monde occidental connaît une phase sans doute très longue de « déclin relatif », le monde qui émerge n'est ni prêt ni désireux de jouer le rôle de stabilisateur international qui lui reviendrait légitimement, compte tenu de ses succès économiques : le taux de croissance des nouvelles puissances n'est-il pas entre dix et cinq fois supérieur à celui de l'Europe ?
Le monde émergent lui-même connaît un double mouvement ; approfondissement de sa réussite, mais aussi élargissement de sa composition. Peut-on encore parler aujourd'hui du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) pour décrire le club de ces pays en plein développement ?
La Chine, à nouveau puissance majeure, est à part. Sur les plans stratégique et économique, elle pèse trois fois l'Inde, même si cette dernière va la dépasser sur le plan démographique. La Chine, désormais deuxième puissance économique mondiale, est aussi animée d'un nationalisme toujours plus ombrageux et d'une susceptibilité toujours plus grande, au fil de ses réussites et des échecs de ses rivaux occidentaux. Elle est parfaitement à l'aise avec le concept de puissance, même si elle s'interroge sur ses choix diplomatiques et stratégiques. N'y a-t-il pas des risques à quitter « le profil bas » qui était le sien jusqu'à une période récente ? Doit-elle sacrifier aux pressions des nationalistes et parler plus haut et plus fort, au risque de dresser contre elle un front uni en Asie ?
Deux autres pays aux réussites impressionnantes méritent d'être regardés : la Turquie et l'Indonésie. Ce sont aussi deux pays musulmans dont la réussite constitue la preuve que modernité et islam ne sont pas incompatibles, contrairement à ce que pensent trop de commentateurs. La Turquie, « snobée » par l'Union européenne, montre que les grands empires, comme l'empire ottoman, ne meurent jamais vraiment. L'Indonésie, puissance musulmane la plus peuplée, devient un exemple de conciliation entre modération religieuse, progrès économique et politique. Est-elle déjà devenue un « nouveau grand de l'Asie » ? On ne peut plus l'ignorer aujourd'hui.
Un symbole fort de cette recomposition du monde est intervenu à la fin de l'année 2010 : les « défaites » des candidatures de la Grande-Bretagne et des États-Unis, face à la Russie et au Qatar, pour accueillir les « Mondial » de football en 2018 et 2022. Elles confirment notre entrée dans un monde en pleine recomposition.
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