TOUT EST DIT

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samedi 13 novembre 2010

Pompéi s'effondre, symbole d'une Italie en état de catastrophe culturelle

La Maison des gladiateurs et ses fresques qui s'effondrent entièrement, dimanche 7 novembre, à Pompéi, faute d'un entretien constant. Le tapis rouge du Festival du cinéma de Rome envahi par des centaines de manifestants protestant, le jour de l'inauguration, contre les coupes dans la culture. Le Musée d'art moderne de Naples qui ne parvient plus à payer ses factures d'électricité et menace de réduire ses heures d'ouverture. L'Opéra qui a dû revoir à la baisse les contrats des techniciens. Tous ces événements disent "l'état de catastrophe culturelle" qui menace aujourd'hui l'Italie.
La politique de rigueur budgétaire décrétée par le gouvernement (29 milliards d'euros d'économies en 2011 et 2012) se traduira par une réduction de 58 millions d'euros pour le secteur de la valorisation des biens culturels, et de plus de 100 millions pour le Fonds unique pour le spectacle (FUS). C'est également rude pour les collectivités locales : elles ne pourront dépenser plus que 20 % des sommes allouées par l'Etat par le passé pour l'organisation d'événements culturels.
"Ces restrictions sont un vrai désastre, se désole Umberto Croppi, adjoint à la culture de la capitale romaine. Une exposition comme celle du Caravage à Rome cette année ne sera plus possible. Or, elle a attiré 500 000 visiteurs, rapporté 30 millions d'euros, dont 15 millions à l'Etat." Cela ne fait pas fléchir le gouvernement : "La culture ne se mange pas", répond Giulio Tremonti, ministre de l'économie d'un pays qui compte le plus grand nombre (45) de sites classés au patrimoine de l'Unesco.
Coeur d'activité de l'Italie
Pour protester contre les coupes budgétaires, de nombreux musées, bibliothèques et sites archéologiques étaient fermés vendredi 12 novembre, d'autres étaient ouverts gratuitement. Le 22 novembre, les acteurs, réalisateurs, scénaristes et techniciens de cinéma sont également appelés par les syndicats à une grève générale. "Quand une entreprise est en difficulté, elle se concentre sur le coeur de son activité, or le coeur de l'activité de l'Italie, c'est la culture", explique l'adjoint à la mairie de Gênes, Andrea Ranieri. "La culture n'est pas la cerise sur le gâteau, c'est le gâteau", renchérit le président de l'association des communes italiennes.
Le gâteau est mal en point. Au-delà de la polémique, c'est toute la gestion du patrimoine culturel italien qui est en cause. Sa sauvegarde et l'économie qui en découle. "Ce n'est pas seulement une maison qui s'effondre à Pompéi, s'inquiète Maria Pia Guermandi, membre de la direction de l'association Italia Nostra, mais la crédibilité du pays. Nous ne sommes plus en mesure de gérer tout cela."
"Faute d'argent"
L'art et la culture, qui devraient être une des principales ressources de l'Italie, font l'objet de peu d'investissements, alors que le tourisme représente 12 % du PIB. De 7 milliards d'euros en 2008, année de l'élection de Silvio Berlusconi, le budget de la culture est tombé à 5 milliards en 2010, soit 0,21 % du budget de la nation.
Musées de province presque vides, aires archéologiques ne recevant que quelques visiteurs par jour : l'Italie souffre de trop de richesses, et de trop peu d'argent pour les entretenir et attirer du public. "La valorisation de l'exceptionnel patrimoine apparaît loin d'être optimale", conclut un rapport de la Fondation Ambrosetti, présenté le 12 novembre dans le cadre de la manifestation Florens 2010, consacrée à la valorisation du patrimoine.
De son côté Sandro Bondi, le ministre de la culture, se débat entre l'intraitable ministre de l'économie et des milieux culturels aux abois. Pour manifester son opposition aux réductions budgétaires, il a boudé un conseil des ministres. Mais il défend l'esprit de la réforme en dénonçant "la culture de l'assistance" qui a prévalu jusqu'alors. Son projet ? Multiplier les fondations publiques et privées pour entretenir les grands sites et les musées sur le modèle du Musée égyptien de Turin.
Mais l'écroulement de la Maisons des gladiateurs pourrait porter un coup fatal au ministre de la culture. Après avoir maladroitement déclaré que le site s'était effondré "faute d'argent" pour l'entretenir, il a accusé les infiltrations d'eau d'être la cause de ce désastre, ce qui est en partie exact. "Je me démettrais si j'étais responsable", a-t-il répété, mercredi 10 novembre, au Parlement. L'opposition devrait déposer une motion de censure à l'encontre de celui qui a désormais gagné le surnom de "ministre des maux culturels".

Philippe Ridet

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