Le mouvement des Alcooliques anonymes (AA) célèbre ce week-end ses 50 ans en France avec pour mission d'épauler des malades vers l'abstinence, mais sans avoir réussi à modifier profondément les habitudes de boisson des Français dans un pays vinicole.
"En France, être un buveur de flotte, c'est un handicap social. C'est hyper difficile", a expliqué à l'AFP Emmanuel Palomino, psychiatre et président de conseil d'administration des AA, lors du congrès de leur 50e anniversaire qui se tient samedi et dimanche dans un hôtel à Paris, avec un millier de participants.
Né en 1935 aux Etats-unis, créé en 1960 en France, le mouvement des AA poursuit comme objectif "de rester sobres et d'aider d'autres alcooliques à parvenir à la sobriété", selon ses statuts.
Pour le docteur Palomino, "le défi du mouvement, c'est de poursuivre l'ouverture à la société", alors que 45.000 personnes meurent chaque année directement ou indirectement à cause de l'alcool, soit 18 fois plus que les décès liés aux drogues illicites.
D'après une étude du site de recrutement Monster, près d'un Français sur deux consomme de l'alcool au travail et 8% disent "en avoir besoin pour tenir la journée".
"Quand je buvais un verre de whisky dans mon entreprise, je m'arrangeais pour qu'on pense que c'était du Perrier", raconte à l'AFP Isabelle, 59 ans, cadre administratif. "J'ai mis très longtemps à réaliser que j'étais alcoolique", poursuit-elle.
Abstinente depuis 16 ans, elle avoue avoir "eu honte au début de ne plus boire d'alcool devant les autres, parce que ça voulait dire que j'avais été alcoolique".
Pour François, 48 ans, comédien, "arrêter l'alcool c'est difficile parce que c'est mal compris, mal perçu".
"Des gens me disent + Allez c'est juste un verre, c'est pas grand chose!+ mais le problème c'est que si je bois un verre, je suis mort. Je ne sais pas gérer" la consommation d'alcool", témoigne-t-il.
En France, environ 7.000 membres des AA fréquentent 591 groupes, contre environ 8.000 membres pour 400 groupes il y a 20 ans. La moyenne d'âge est de 53 ans et la tranche d'âge la plus représentée est celle des 50/60 ans.
"Les jeunes viennent plus difficilement nous voir", reconnaît Patrick, membre des AA, ajoutant que "les alcooliques mettent souvent très longtemps à reconnaître leur maladie".
Pourtant, les alcooliques jeunes sont particulièrement vulnérables parce que "souvent dépendants d'autres produits", explique le docteur Palomino. "Plus de la moitié des alcooliques de 25 ans sont polyusagers. Ils consomment surtout du cannabis, mais aussi des médicaments ou des opiacés".
Professeur de piano dans les Yvelines, Patricia a rejoint les AA à 26 ans, quand elle buvait "toute la journée, toute la nuit et n'arrivait pas à (s)'arrêter". Elle n'a plus touché une goutte d'alcool depuis 16 ans mais continue à s'impliquer au sein de AA pour "transmettre" son témoignage.
"Il y a encore du travail en France. Le mouvement doit grandir pour amener plus de gens à décrocher", juge-t-elle.
A 87 ans, dont 50 sans alcool, Manuel, co-fondateur des AA en France, ne manque pas les réunions hebdomadaires, se sentant toujours "utile". "Quand on arrive à faire arrêter la boisson à quelqu'un c'est comme si on arrête nous-mêmes une nouvelle fois", sourit-il. Il voudrait que les membres des AA soient "toujours plus nombreux" pour "sauver les gens" de ce "cancer de l'âme".
samedi 13 novembre 2010
Les Alcooliques anonymes peinent face aux habitudes des Français
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire