jeudi 11 novembre 2010
Obama désenchanté
L'emportement médiatique autour de la défaite d'Obama aux élections de mi-mandat comme d'ailleurs, il y a deux ans, autour de son succès présidentiel, cette outrance surévalue l'événement. Je ne sous-estimais pas, en 2008, l'avènement d'un premier président noir à la Maison-Blanche en prévoyant " une euphorie précieuse mais courte ". Ce n'est pas aujourd'hui sous-estimer sa défaite que d'éviter une projection hâtive sur la prochaine présidentielle. Aux Etats-Unis (comme en France), la conjoncture, en deux ans, aura tôt fait de barbouiller le décor.
Sous la dégelée de la crise financière, aucun gouvernement démocratique n'échappe à la " raclée " électorale. Aux Etats-Unis, la tornade financière laissait un pays sinistré : chômage record, classe moyenne accablée, croissance vertigineuse de l'inégalité sociale, et 40 millions d'Américains réduits à l'assistance minimale ! La désillusion populaire aura donc destitué, en quelques mois, l'aura d'Obama, abusivement magnifié en messie médiatique d'un rêve américain recolorié. L'obamania d'une Europe rêvassière (et d'un Nobel bêtifiant) n'avait d'ailleurs jamais submergé les Etats-Unis. Voici, en tout cas, Obama redescendu de son firmament d'icône planétaire. Et redevenu un président démocrate assiégé par une crise historique. Ni glorieux ni indigne.
Sous les premiers coups de la tempête, Obama a raté son pilotage de crise. Il a tenté un ersatz de New Deal, bien trop pâle pour enrayer l'angoisse populaire et, dans un pays épris d'optimisme, le sentiment répandu du déclin. Sa réforme de santé qu'il voulait historique aura heurté la droite républicaine par ses accents " socialistes " et, trop timide, elle n'aura pas emballé ses partisans. La désillusion aura enfin rappelé cette vérité brouillée de l'élection de 2008 : la victoire d'Obama était plus courte que sa légende. Conquise par l'adhésion des " indépendants " et des minorités noires et latinos, elle n'avait pas détruit l'ancrage national républicain. Comme d'ailleurs aujourd'hui la défaite d'Obama n'a pas défoncé l'assise démocrate, qui parvient à sauver sinon la Chambre du moins le Sénat.
Il n'empêche que le basculement, tout fréquent qu'il soit dans des élections de mi-mandat, entrave sa liberté d'action mondiale et internationale dans un moment périlleux. La proposition de compromis qu'il adresse aux républicains se voit d'emblée accueillie avec des pincettes. En rachetant, par la planche à billets, 600 milliards de dollars de ses propres bons du Trésor, l'Amérique d'Obama allège la pression de la Chine, qui en détient de gros paquets. Mais elle fait monter les enchères avec Pékin et pénalise l'Europe, dont l'euro ne caracole que sur la baisse du dollar. Bon courage à Sarkozy, et au G20 qui écope de cette patate brûlante !
On n'en déduira pas que les républicains ont désormais en poche la prochaine présidentielle de 2012. Ils savent que le coup de semonce qui frappe Obama ne leur délivre pas un blanc-seing assuré. Et l'on trouve déjà quelques républicains de poids pour s'inquiéter des solutions à l'emporte-pièce du courant droitier du Tea Party.
Ce courant populaire et populiste est aujourd'hui le plus significatif de ces élections de mi-mandat. Il remue la virilité conquérante du peuple et du petit peuple américain. Plus il est libéral et anti-étatique, plus il est religieux et patriote : un alliage inconnu dans notre Europe que le Tea Party voit en repoussoir. Le cow-boy et le shérif, l'énergie et le courage font l'essentiel de la vigueur martiale américaine. Au Tea Party, on aura vite critiqué puis détesté les hésitations bénignes d'Obama, ses mains tendues à l'adversité islamique, son désir irénique d'apaisement.
Et puis, l'excitation aidant, le mouvement n'aura vu dans le flegme chic d'Obama que le dédain élitaire de " Mister Cool ", l'arrogance washingtonienne d'un diplômé de haut vol. Quand on ne le suspecte pas, dans la blogosphère, d'être un musulman dissimulé. Autant de balivernes sur lesquelles flotte un parfum de racisme. Notre confrère Philippe Labro, excellent connaisseur des Etats-Unis, n'a vu dans les meetings du Tea Party aucun Noir, aucun Latino, aucun " Asian ". Au point de se demander si la société postraciale américaine est aussi avancée qu'on le dit. Question rampante...
Comme toutes ces sortes de réactions droitières, le Tea Party peut durcir le Parti républicain et regonfler son assise populaire. Mais il peut aussi, par ses excès, effrayer les modérés du Parti républicain. Et redonner du crédit aux positions " raisonnables " d'Obama.
Ce débat ne sera en tout cas pas confiné au champ clos américain. La Chine, l'Iran, Al-Qaeda, et j'en passe, autant d'invités indésirables mais prévisibles qui apporteront plus que leur grain de sel ! Les Etats-Unis n'ont cessé de s'occuper du vaste monde. Le monde, de plus en plus, s'occupera d'eux
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