Au fond, c'est une question de morale. Simple. Ecouter (téléphoniquement) les journalistes, c'est mal. Et, même pour les cyniques qui le contesteraient, l'expérience le prouve : écouter les journalistes, c'est politiquement stupide parce que ça n'a jamais servi à rien d'autre qu'à alimenter scandales et polémiques.
Le temps n'y fait rien. L'alternance des régimes non plus. La tentation n'a pas de couleur. Sinon l'empreinte du pouvoir, toujours tenté d'abuser de son pouvoir. Toujours tenté de contorsionner la loi pour la plier aux pulsions d'une curiosité aussi excessive que malsaine. Savoir, savoir à tout prix... pour déminer ce qu'on croit être explosif.
Tour à tour la gauche et la droite ont été prises la main dans le pot de confiture, et les doigts dans les fiches des écoutes illégales. François Mitterrand s'était déshonoré à ce petit jeu qu'il avait développé à grande échelle dans le secret le plus absolu. Aujourd'hui, c'est l'Elysée, le ministère de l'Intérieur et celui de la Justice qui, tout en contestant les allégations du Monde et de Mediapart, justifient de façons diverses et variées, des procédures présentées comme légales mais qui reviennent à espionner la presse en tentant de démasquer ce qu'elle a de plus précieux et de plus confidentiel : ses sources d'information. La loi protégeant ces même sources, pourtant souhaitée par le président lui-même, ne serait-elle qu'un paravent de vertu dissimulant l'inavouable ?
Ici, la nuance est irrecevable. Eplucher des factures téléphoniques détaillées, c'est un viol caractérisé des libertés publiques. Justifier de telles opérations par la protection des intérêts supérieurs de la nation, c'est tout bonnement un abus de droit. Un pouvoir ne peut pas se retrancher derrière le flou de l'article 20 de la loi de 1991 pour s'autoriser à utiliser une procédure de contre-espionnage réservée à des situations de guerre ou de menace terroriste directe. Jusqu'à preuve du contraire, les péripéties de l'affaire Bettencourt n'entrent pas dans cette catégorie. Elles ne mettent en péril, ni de près, ni de loin, la sécurité de la nation...
On ne demande qu'à croire Bernard Squaricini, le directeur de la DCRI quand il déclare qu'il « ne dirige pas une officine de barbouzes ». Mais le double rappel de Matignon au respect des règles, pourtant lâches, indique assez clairement qu'elles auraient pû être outrepassées. Pour éviter le doute, il aurait mieux valu, de toutes façons, s'abstenir.
Que ces dérives ne soient pas nouvelles, ce n'est pas une excuse. Le plus révoltant est là, sans doute, dans l'acceptation du parlement, mais aussi la résignation molle d'une certaine partie de la presse, devant des pratiques indignes des valeurs de notre démocratie.
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