L'assemblée annuelle du Fonds monétaire international (FMI) qui se tient aujourd'hui à Washington s'annonce des plus tendues. Les 184 représentants des pays membres vont en effet y débattre de la réforme de la gouvernance de l'institution multilatérale, dans le but de l'adapter aux défis du XXI e siècle. Les grands pays émergents réclament, à juste titre, une plus grande influence dans la conduite de la politique du Fonds. La volonté des pays d'Asie et d'Amérique est d'autant plus légitime qu'ils ne veulent plus être les victimes d'une institution dominée par les pays industrialisés, qui leur ont si longtemps imposé leur diktat. Il en va de la crédibilité internationale du FMI. La réforme revêt deux aspects. Le premier tient aux droits de vote de chacun des membres. Le second est lié à la composition du conseil d'administration.
Au sujet des droits de vote, les négociations en cours visent à transférer 5 % des voix des pays riches vers les pays émergents. Un premier transfert portant sur environ 3 % des droits est intervenu en 2008 au profit de la Chine, du Mexique, de la Corée et de la Turquie. En l'état actuel de la situation, le pourcentage de droits de vote d'un pays dépend d'une formule mathématique compliquée, prenant en compte la valeur de son PIB mais aussi son degré d'ouverture économique, l'importance de ses réserves… Cette formule ne satisfait personne et sa simplification est à l'étude. Là encore, les négociations sont ardues. Les Etats-Unis plaident pour que le PIB ait une importance prépondérante. Les pays émergents, eux, plaident plutôt pour un PIB en parité de pouvoir d'achat, et non en valeur nominale. Ce qui aboutirait à renforcer fortement leur poids. Selon les dernières propositions faites en juillet, la nouvelle formule proposée n'aboutirait qu'à un transfert de moins de 3 % des droits de vote vers les pays émergents. On est loin du compte. De plus, comble de l'horreur, que l'on prenne en compte l'ancienne formule ou la nouvelle, certains pays émergents ont des droits de vote trop importants par rapport à leur poids économique. C'est le cas de l'Arabie saoudite, de l'Argentine, de l'Afrique du Sud et de l'Inde. Inversement, des pays riches comme l'Espagne, le Luxembourg et l'Irlande sont sous-représentés. Dès lors, l'équation se complique et chacun des pays membres devra faire des concessions afin d'aboutir à un transfert de 5 % des droits de vote des pays surreprésentés vers des pays sous-représentés. Dans ce jeu digne des marchandages du Grand Bazar d'Istanbul, une seconde composante s'est invitée. La composition du conseil d'administration, l'organe de direction du FMI.
Il comprend, à ce jour, 24 chaises, bien que les statuts du Fonds n'en prévoient que 20. Dans les faits, le maintien des 24 sièges nécessite donc, tous les deux ans, d'être reconduit par un vote. En juillet dernier, les Etats-Unis, à la surprise générale, ont jeté un pavé dans la mare en ne votant pas cette reconduction. Leur but : réduire, par un coup force, la présence des Européens au conseil, où ils occupent 9 sièges sur 24. Comme le remarque ironiquement un diplomate, « les Etats-Unis se sont tirés une balle dans le pied. Le retour à 20 sièges aboutirait à la disparition des plus faibles, c'est-à-dire le Brésil, l'Inde, l'Argentine et un des sièges des pays africains ». On aboutirait à l'effet inverse de celui qui est recherché. Impensable politiquement.
Devant la pression croissante de Washington, les Européens, accusés d'avoir une présence trop ostensible dans le conseil, se sont déclarés prêts à des concessions en offrant l'abandon de deux sièges. En contrepartie, ces mêmes Européens souhaiteraient que les Etats-Unis ne disposent plus de leur fameux droit de veto. Sa disparition requiert un changement des statuts du FMI, qui veulent que les décisions soient approuvées avec 85 % des voix. Les Etats-Unis disposant de 17,5 % des droits de vote, ils peuvent donc bloquer toute décision qui ne leur sied pas. La probabilité que Washington abandonne ce privilège est proche de zéro. D'autant que les quatre grands pays émergents rassemblés au sein des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) n'y sont pas favorables sous prétexte qu'à eux quatre, lorsque la redistribution des voix sera effective, ils auront le même pouvoir d'obstruction en disposant de plus de 15 % des droits de vote. Quant à l'idée défendue par le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, de créer une chaise représentant tous les pays de la zone euro afin de libérer de la place à d'autres pays, elle a peu de chance de voir le jour. En effet, les pays de la zone euro disposeraient dans ce cas d'un peu plus de 28 % des droits de vote, ce qui en ferait les premiers actionnaires du Fonds. Statutairement, son siège devrait alors être transféré en Europe ! Difficile d'imaginer que les Etats-Unis renoncent à l'implantation sur leur sol de l'institution.
La réforme de la gouvernance du FMI avance donc difficilement, et sans doute trop lentement. Une chose est sûre cependant, le renforcement du rôle des pays émergents en son sein va compliquer la tâche de l'institution. Le remplacement du G8 par le G20 n'a pas simplifié les choses. Il en sera de même pour le FMI. Malheureusement.
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