L'Irlande paie cher le prix du doute. Doute sur ses comptes publics, doute sur ses capacités de redressement, doute sur l'état réel de son secteur bancaire. Doute, pour tout dire, sur la solvabilité même de l'Etat.
Il fallait donc d'urgence casser cette spirale infernale. Alors qu'il n'a aucun besoin de trésorerie puisque son financement est assuré jusqu'en mai 2011, le Trésor irlandais a décidé hier de tester courageusement l'eau froide des marchés financiers et de lever 1,5 milliard d'euros. Il fallait éteindre la spéculation qui gagnait le commerce de sa dette. Prouver qu'à la différence de la Grèce, sa compagne d'infortune au sein de la zone euro, l'Irlande était encore capable d'emprunter de l'argent à long terme. Montrer au monde qu'elle n'aurait pas besoin de faire appel au Fonds monétaire international comme on commençait à le susurrer sur les marchés. De ce point de vue, l'opération a été un franc succès. La dette irlandaise a trouvé preneur. Mais à un taux de 6 % sur huit ans, c'est un succès au goût amer.
Un goût d'autant plus amer que, depuis le début de la crise, l'Irlande suit à la lettre, avec une rigueur toute celtique, la prescription classique pour retrouver les faveurs des investisseurs. Au terme de trois plans de rigueur en deux ans - un quatrième est même en préparation -les salaires des fonctionnaires ont ainsi été réduits de 13 %, ce qui n'est facile nulle part mais encore moins dans un pays dont les finances publiques sont surtout plombées par le sauvetage du secteur bancaire. Que les fonctionnaires paient pour les banquiers aurait provoqué des émeutes n'importe où ailleurs !
On notera que les efforts de l'Irlande mais aussi ceux de la Grèce, du Portugal et surtout de l'Espagne ont fini par convaincre les marchés financiers que la zone euro n'était plus à la merci d'un risque systémique sur un de ses Etats membres. L'emballement de ces derniers jours sur la dette irlandaise n'a aucunement affecté l'euro, au contraire. Mais les fragilités sont toujours là. On peut même craindre qu'elles ne s'aggravent. L'augmentation du coût de refinancement des Etats les plus vulnérables de la zone est un poison qui agit lentement. Couplée à une rigueur excessive, elle peut conduire à l'asphyxie. L'euro n'est pas sorti de la zone de danger.
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