TOUT EST DIT

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mercredi 22 septembre 2010

Le Sahel de la peur

Alerte rouge sur le territoire français. Alerte rouge au Sahel. Depuis l'enlèvement de nos cinq compatriotes, jeudi, la France est doublement dans le viseur des terroristes. Ce n'est pas totalement une surprise.

Dans cette région de l'Afrique exposée à une emprise croissante des réseaux islamistes, plusieurs signaux l'annonçaient. La mort de quatre Français, en Mauritanie, en 2007. Les prises d'otages à répétition de ressortissants européens. Enfin, l'enlèvement et l'assassinat de Michel Germaneau, en juillet, au Mali.

Avant même la revendication d'hier soir, toutes les pistes menaient déjà à Al-Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi), la filiale nord-africaine de la « franchise » créée par Ben Laden.

Héritière du mouvement salafiste et des réseaux algériens des années 1990, cette organisation a, depuis quelques années, déplacé ses bases opérationnelles plus au sud. Dans cet espace qui, de la Mauritanie au Tchad, a longtemps été le terrain des méharistes français. Un espace immense, qu'aucun État ne contrôle. Comme en Afghanistan, en Somalie ou au Yémen, le vide politique attire, comme du miel, les réseaux terroristes.

C'est là que quelques centaines à peine d'activistes tiennent en échec et menacent directement les puissances occidentales. À commencer par la France, cible privilégiée d'Aqmi.

Il y a plusieurs raisons. Certaines sont anciennes, comme le ressentiment colonial. D'autres plus récentes, tels l'engagement en Afghanistan ou le raid franco-mauritanien de juillet contre une base terroriste. D'autres encore éminemment symboliques, comme le vote, la semaine passée au Sénat, de la loi interdisant le port du voile intégral. Véritable casus belli pour les esprits terroristes.

Le choix des otages indique aussi une raison plus classique, mêlant intérêts économiques et enjeux politiques. La présence d'Areva dans le nord du Niger n'est pas tout à fait celle d'une entreprise comme les autres, car la France importe de ce pays un tiers de l'uranium nécessaire à ses centrales nucléaires. Autant dire que l'indépendance énergétique française à l'égard du roi pétrole cache une autre dépendance, qui se joue en partie au Niger. La valeur politique de cette information ¯ autrement dit son prix ¯ n'échappe pas aux maîtres-chanteurs de l'islam radical, pour qui les prises d'otages sont à la fois une source de revenus et de communication politique.

En termes militaires, le conflit qui oppose toute puissance à des groupes terroristes professant un islamisme militant est, par nature, asymétrique. On peut même considérer que, depuis le 11 septembre 2001 et la traque d'Al-Qaida qu'il a déclenché, la force de frappe de ses réseaux a été sévèrement redimensionnée. Ce type de terrorisme ne s'en nourrit que davantage de symboles et de peurs. Depuis jeudi, aucun Français n'est en sécurité sur des milliers de kilomètres de semi-désert. Même jusqu'au Sénégal, la peur gagne. C'est en soi une victoire des terroristes.

C'est pourquoi la gestion de la peur est un thème si délicat. Les professionnels du renseignement le savent. Bien qu'ayant, chaque jour, conscience de l'alerte, ils la combattent en toute discrétion. Il est à souhaiter que les annonces répétées du ministre de l'Intérieur sur leur actuel état d'alerte n'ait qu'une seul fin : rappeler la réalité du risque terroriste. Toute autre visée politique serait déplacée.

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