Quand le climat s'assombrit de mauvaises nouvelles climatiques, sociales et politiques, pourquoi ne pas retrouver l'usage de quelques mots forts qui peuvent donner du coeur au ventre ? Il en est un qui a fait ses preuves historiques, morales et civiques : le courage.
Mot bien dédaigné et oublié. On ne l'apprend guère à l'école, et pas si souvent dans les familles. Seul le petit monde (si mal reconnu, si mal aidé, si mal sollicité) des associés et des militants, des bénévoles et des volontaires, des lutteurs isolés et désespérés tente de lui donner du sens. Et pourtant, comme son retour pourrait ragaillardir notre démocratie !
C'est en tout cas ce qu'une philosophe, Cynthia Fleury, qui avait naguère exploré Les pathologies de la démocratie, vient de rappeler très opportunément dans son nouvel ouvrage, La fin du courage (1). Pour surmonter le désarroi et la déprime. Pour cesser de nous complaire dans la mélancolie, le narcissisme ou le repli et refuser la démission, la capitulation, l'impuissance et, finalement, la décadence. Pour combattre « l'entropie démocratique », cette perte en ligne d'énergie civique et morale, déjà signalée au XIXe siècle par Tocqueville, qui nous empêche de voir notre « intérêt bien entendu ».
Pour retendre le ressort collectif et réarmer l'individu, réinventons donc « une éthique du courage ». Ayons « la volonté de ne pas laisser la dégénérescence l'emporter si facilement ». Parce que « désespérer, c'est déserter », comme disait déjà Victor Hugo en défiant Napoléon le Petit.
L'injonction vaut d'abord pour nos dirigeants, souvent prêts à confondre le vrai et le faux, feignant de briser les tabous, mais si prompts à stigmatiser et à désunir quand il faudrait rameuter au nom du droit, de la justice et même ¯ autres vieux mots oubliés ¯ de la raison, de l'intelligence et de la vertu. Ah ! Nos politiques si soucieux d'abord de ne pas déplaire, si soumis à l'opinion et aux sondages...
Le manque de courage, c'est aussi le refus de l'initiative, les élites qui oublient le peuple, les petits malins qui ne rêvent qu'au profit immédiat, ceux qui cultivent une passivité désarmante, se crispent sur les avantages et les « modèles » acquis. Sans oublier les individus décomplexés, qui n'ont rien à faire du collectif et préfèrent faire joujou entre eux mais sur écrans. Nos médias aussi entretiennent la couardise et le cynisme, quand ils confondent le spectacle et l'information, l'image et le réel.
Pourtant, prenons-y garde, le découragement galopant menace la démocratie. Seul l'acte courageux, individuel et collectif, redresse la chute, change la fuite en assaut, jugule l'égoïsme, ouvre aux autres vertus. Seul le courage peut unir la morale et la politique. Seul, il prend le risque de dire une vérité mais aussi nous fait accepter de l'entendre et de la laisser circuler entre nous tous, même si elle déroute ou blesse. Bref, le courage anime la démocratie. Malraux avait raison dans L'Espoir : « Le courage est une chose qui s'organise, qui vit et qui meurt, qu'il faut entretenir comme les fusils. »
(1) La fin du courage, Fayard, 204 p., 14 €.
(*) Historien.
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