L'Europe m'a changé », avait dit Nicolas Sarkozy à l'issue de sa présidence de l'Union en 2008. Du traité de Lisbonne à la guerre russo-géorgienne, elle lui a surtout bien réussi et a permis de faire remonter sa cote de popularité. Mais peut-il aujourd'hui faire bouger le monde comme il avait « essayé de bouger l'Europe » ? Le chef de l'Etat s'apprête à prendre, en novembre, la présidence du G20 puis, en janvier 2011, celle du G8 avec l'intention de s'en servir comme tribune pour ses projets de réformes du système monétaire et de gouvernance du monde.
En présentant son plan de bataille pour les prochains mois à l'ouverture, mercredi, de la 18 e Conférence des ambassadeurs, Nicolas Sarkozy a détaillé ses « ambitieux » projets pour le G20-G8. Certes, les lignes ne dérogent pas à ses prises de position depuis le début de la crise, voire à une certaine idée française de régulation, mais il les a énumérées avec force. Ainsi, le président souhaite une réforme du système monétaire international, tout en repoussant l'idée d'un retour au système de Bretton Woods. Il invite les grandes puissances à réfléchir aux conséquences de la forte volatilité des changes, suggérant la création d'un nouvel instrument de réserve internationale pour renforcer la stabilité du système et mettre ainsi un terme à la suprématie du dollar. Même réflexion sur l'extrême volatilité des prix des matières premières, en premier lieu agricoles. Il faudrait selon lui ouvrir le chantier d'une réforme du fonctionnement des marchés de produits dérivés des matières premières. La réforme de la gouvernance mondiale passe aux yeux du président - du moins pour discuter des monnaies -par la substitution du G20 (qui comprend les puissances émergentes) au G7, le club fermé des grandes puissances dominantes du XX e siècle (Etats-Unis, Allemagne, Japon, Grande-Bretagne, France, Italie et Canada). « Comment peut-on parler aujourd'hui des taux de change sans la Chine ? », s'est-il interrogé.
Mais les propositions françaises risquent de se heurter à un certain nombre de réticences, en premier lieu des Américains, qui, notait un diplomate, restent « très loin de notre concept de régulation ». Sur les changes, Washington a jusqu'à présent préféré s'adresser directement à Pékin pour lui demander une réévaluation du yuan. De même, Barack Obama a mis en tête de son agenda le rapprochement avec la Russie du président Dimitri Medvedev, avant ses relations avec les pays européens. En outre, si la France est bien décidée à maintenir le G8, qui comprend quatre pays européens, Barack Obama, plus pragmatique, estime que désormais le « vrai lieu » de la concertation internationale est le G20. Surtout que, comme on le rappelle en marge de la Conférence des ambassadeurs, les pays émergents comme l'Inde se demandent pourquoi il y a « autant d'Européens » au sein du G20 (quatre pays plus deux représentants de l'Union). Et les Américains ne sont pas insensibles à cette préoccupation. Sans oublier non plus que, même si Barack Obama a montré des signes d'essoufflement, il occupe toujours le devant de la scène internationale. Un signe qui ne trompe pas : c'est à Washington que les dirigeants israélien Benyamin Netanyahu et palestinien Mahmoud Abbas doivent se retrouver le 2 septembre pour reprendre des négociations directes. De même, en dépit de la promesse de Nicolas Sarkozy de maintenir l'armée française en Afghanistan et du retour de la France au sein du commandement intégré de l'Alliance atlantique, la stratégie et la date d'un retrait de l'Otan sont fixées par les Etats-Unis. Enfin, pour le chef de l'Etat français, 2010 n'est pas 2008, quand le président Bush arrivait en fin de course sur la scène internationale.
De plus, la France est sur la sellette dans de nombreux pays non seulement pour l'expulsion des Roms et les déclarations fracassantes sur ce sujet, mais aussi pour l'interdiction du port de la burqa. Sans oublier que les moyens mêmes de la diplomatie française, comme l'ont souligné non seulement les anciens ministres Alain Juppé et Hubert Védrine mais aussi des ambassadeurs, n'ont cessé de diminuer.
Il reste que le président français est toujours bien décidé à faire preuve de volontarisme. Il aura un an à la tête du G20 pour faire ses preuves. Et le terrain n'est pas neutre. Surtout si Dominique Strauss-Kahn, actuellement directeur général du FMI, se lançait dans la course présidentielle de 2012.
Jacques-Hubert Rodier
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