TOUT EST DIT

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dimanche 6 juin 2010


Simple et primaires


La peau de chagrin de François Bayrou, désormais forcé de protester de son non-sarkozysme, va bien au-delà des mésaventures d’un tacticien. Il s’agit d’autre chose, d’un mensonge gaulois qui s’effondre : l’idée qu’on pourrait échapper au choc des droites et des gauches, et mépriser en la dépassant la dialectique fondatrice de la démocratie.


Ni gauche ni droite, Français? Cette ritournelle récurrente a été parfois dangereuse – Pétain, le Pen – ; souvent arnaqueuse : le gaullisme de pouvoir était de droite, comme la parenthèse giscardienne ! Bayrou, qui fut pourtant l’élève de Giscard, a négligé sa seule leçon : il faut faire semblant d’être centriste mais pour prendre la droite. Y renonçant, trop trop sûr d’absorber toutes les contradictions dans son destin, il s’est égaré. Fin de partie. Sarkozy bétonne son camp, la gauche s’est reconstituée, il n’y avait rien d’autre, il n’y aura rien, sauf un descamisado des appareils et des idéologies.

Que cette histoire s’épuise quand la gauche retrouve le sens de la démocratie n’est pas indifférent. Bayrou a récité le mantra du lien direct entre un homme providentiel et un peuple, qui a sapé depuis 1962 l’esprit républicain. Tous les aventuriers de 2007, Royal et Sarkozy en tête, suivaient cette logique, grisante et épuisante. Le PS vient d’en sortir en adoptant ces fameuses primaires ouvertes : au lieu de s’en remettre à un chef qui guidera les masses, les socialistes confieront aux électeurs, à tous ceux qui le voudront, le soin de désigner leur champion pour 2012.

A peine le principe admis, les Français se sont mis en mouvement: 24% d’entre eux seraient prêts à aller voter pour désigner le futur candidat socialiste à la présidentielle ! Ce n’est qu’un sondage (CSA-LCP), mais quelles prémices ! Pour la première fois, l’élection du président au suffrage universel direct peut échapper au plébiscite ou à un concours de slogans. Le leader socialiste, désigné par les citoyens avant même le combat suprême, pourra s’affranchir des facilités de circonstances. La force même du processus des primaires, si les socialistes ne les gâchent pas en arrangements inutiles, interdira les adhésions illusoires ou magiques. Pour le social-démocrate Strauss-Kahn, quand il dira son choix et ses risques, et s’il décide de les dire, les primaires seront l’antidote à cette posture de sauveur suprême et masqué que lui imposent les sondages, et qui est le contraire du progressisme.

L’idée tient de l’œuf de Colomb: pour échapper au populisme, celui des autres mais aussi le sien propre, il suffisait d’en revenir au peuple. La suite, évidemment, sera l’exportation du principe à la droite, avec Sarkozy ou après lui. On aura alors deux camps régulés démocratiquement, chacun se forgeant ses choix et ses idéologies, sous le regard et au choix populaire ; un prochain Bayrou, ou le même, choisira d’aller aux primaires d’un seul camp, et en admettra les règles. Ce sera la fin des échappées solitaires, ces pertes de temps, qui abîment tout et d’abord ceux qui s’y prêtent.


Claude Askolovitch

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