ourquoi la France s'extasie-t-elle devant son vieux président ?" A l'image de The Economist, la presse britannique s'interroge, vendredi 18 juin, sur le retentissement de la commémoration de l'appel du 18 juin en France.
"Le principal aéroport parisien, un porte-avions et 3 633 rues en France portent le nom de De Gaulle. La commémoration du 18-Juin n'est donc qu'une expression de la 'De Gaullemania' française", s'amuse le magazine, avant de tenter d'expliquer : "Les résistants vieillissent et il en restera peu pour le prochain 'grand' anniversaire de l'appel. (...) [Par ailleurs], les leaders politiques français se définissent toujours par rapport au gaullisme."
Mais The Economist voit surtout dans cet anniversaire un symbole dans une période où les scandales des avantages accordés aux politiques se multiplient. "En ces temps économiquement troublés, avec des politiques qui profitent de jolis avantages aux frais du contribuable, commémorer De Gaulle est aussi un moyen pour les Français d'invoquer un modèle d'intégrité et de modestie", estime l'hebdomadaire, qui rappelle que De Gaulle a toujours tenu à payer ses factures de gaz et d'électricité à l'Elysée. "Il est difficile d'imaginer une telle position venir de M. Sarkozy", tranche le magazine.
Même ton critique dans le Financial Times, qui s'intéresse également à l'héritage du gaullisme dans la France d'aujourd'hui : "La suspicion est grande que Nicolas Sarkozy utilise cet anniversaire pour ajouter un peu de lustre à sa présidence ; il l'a déjà fait avec d'autres héros nationaux." Et le quotidien de tacler : "La jeune génération, endurcie par un chômage grandissant et la chute de son niveau de vie, a peu de temps à consacrer à la manipulation de symboles par une classe politique qui échoue à se faire respecter."
CHURCHILLISME VERSUS GAULLISME ?
Toute la presse britannique n'est toutefois pas aussi dure avec la France et son héritage gaullien. "L'empressement du général à rejeter les solutions apparemment séduisantes ne correspond pas aux conventions diplomatiques actuelles, estime ainsi Jonathan Fenby, auteur d'une biographie du général de Gaulle, dans les colonnes du Financial Times. Mais il se peut que le gaullisme, tel qu'il était pratiqué par son concepteur avant son déclin dans les dernières années de sa présidence, puisse donner des leçons pour le climat difficile que nous connaissons. Un climat dans lequel les compromis confortables ne fonctionnent plus."
De con côté, le Guardian rappelle que le 18 juin est aussi la date du célèbre discours de Winston Churchill devant la Chambre des communes dans lequel le premier ministre britannique annonça la fin de la bataille de France et le début de celle d'Angleterre. Le quotidien en profite pour comparer l'héritage du churchillisme au Royaume-Uni à celui du gaullisme en France. "A son crédit, Sarkozy a résolument dépassé la position traditionnelle gaullienne vis-à-vis des Etats-Unis", note ainsi le Guardian. Un pas que n'aurait pas encore fait le Royaume-Uni : "Cameron doit dépasser la position crypto-churchillienne et eurosceptique d'alignement systématique sur les Etats-Unis."
Et il y a urgence pour le journal : "Dans un monde où les puissances non occidentales telles que la Chine sont en train de percer et avec l'actuelle crise existentielle de la zone euro, l'Europe est actuellement face à une sorte de 1940 civil." La solution ? Que la France et la Grande-Bretagne s'emparent du 18-Juin pour s'entendre "sur une nouvelle stratégie churchillo-gaulliste ou gaullo-churchillienne", demande le Guardian.
Enfin, Peter Hoorocks, le directeur de BBC Global News, le service international de la célèbre radio, rend un hommage appuyé à De Gaulle dans les colonnes du Daily Telegraph. "Ce discours a constitué un tournant non seulement pour les Français, mais aussi pour la BBC, estime-t-il. Depuis soixante-dix ans, les exilés et les réfugiés ont la possibilité d'utiliser nos micros quand on leur refuse [la parole] chez eux", rappelle M. Hoorocks en évoquant notamment le service de la BBC en persan, qui a joué un rôle crucial lors des émeutes de 2009 en Iran. "Nuit et jour, la flamme de De Gaulle continue donc de brûler" sur la BBC, conclut-il, dans un lyrisme que le Général n'aurait sûrement pas renié.
Jean-Baptiste Chastand
vendredi 18 juin 2010
L'héritage de De Gaulle intrigue la presse britannique
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