TOUT EST DIT

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mardi 15 juin 2010

Angela Merkel refuse le gouvernement économique limité à la zone euro voulu par Nicolas Sarkozy

Il en est toujours ainsi en Europe, tout finit en compromis. "On a fait chacun un pas vers l'autre", a déclaré lundi 14 juin Nicolas Sarkozy, à l'issue de sa rencontre avec la chancelière allemande à Berlin. Mais le pas français était peut-être plus grand que le pas allemand, à trois jours d'un Conseil européen sur la gouvernance économique.
La chancelière allemande, Angela Merkel, a accepté l'importance du gouvernement économique en Europe. "Nous avons besoin d'un gouvernement économique fort. C'est seulement ainsi que l'Europe repartira de l'avant", a-t-elle assuré ; mais ce gouvernement se fera à vingt-sept, et non pas au niveau des seize pays de la zone euro dotés d'un secrétariat économique, comme le souhaitait initialement le président français. M. Sarkozy, qui envisageait de présider lui-même ce forum, a fait bonne figure, en expliquant que le débat institutionnel avait été clos lors de l'adoption du traité de Lisbonne, sous présidence allemande en 2007. "On doit être opérationnel et sortir du débat institutionnel", a déclaré M. Sarkozy, en précisant que des réunions auront lieu, si nécessaire, au niveau de la zone euro, comme cela a été le cas trois fois depuis le début de la crise grecque. La priorité selon M. Sarkozy est au "pragmatisme".

MAINTENIR LE MARCHÉ UNIQUE UNI POUR CONTRER LA FRANCE

La chancelière ne veut pas diviser le marché unique, séparer les pays européens en pays de première et de deuxième classe. En réalité, Mme Merkel s'est vu reprocher en Allemagne de subir une tentative hégémonique française. La crise grecque a permis à un trio de Français, M. Sarkozy, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, et le directeur général du FMI d'imposer que l'on viole l'esprit du traité de Maastricht, en renflouant les Etats du sud de l'Europe avec l'aide de la BCE. Toutes les garanties données aux Allemands depuis vingt ans pour qu'ils abandonnent le deutschemark ont été de facto bafouées en un trimestre. Ajoutons-y un Eurogroupe composé essentiellement du pays du sud de l'Europe, et la France dominerait le jeu européen.

Au contraire, Mme Merkel veut d'une Europe élargie aux pays de l'Est, dont la Pologne, sa zone d'influence directe, et aux pays d'Europe du Nord, hors de l'euro mais tellement plus sérieux comme le Danemark et la Suède. Elle veut un gouvernement assis sur le marché unique, très important alors que les Français s'affranchiraient volontiers des règles de concurrence.

Côté français, on fait le reproche inverse, celui d'une Allemagne égoïste, qui ne vivrait que pour la croissance de ses exportations, au risque de faire plonger l'Europe dans la récession. A Berlin, Mme Merkel a réfuté ces attaques. D'abord, son plan d'économies, qui atteindra 80 milliards d'euros d'ici à 2014 et 11 milliards d'euros en 2011 ne menace pas la croissance : "L'Allemagne a un produit intérieur brut de 2 000 milliards d'euros. Si nous économisons 10 milliards, il ne faut pas croire que l'on change ou ralentit la croissance." Au contraire, avec des finances saines, on rend confiance aux Allemands, qui puiseront plus volontiers dans leur épargne. Mme Merkel a expliqué que son pays devait absolument avoir une politique budgétaire rigoureuse pour faire face à son vieillissement démographique. Elle n'a pas fait de commentaires sur la politique économique française, mais M. Sarkozy a indiqué qu'elle était au courant de la réforme des retraites et du budget français pour 2011.

L'ALLEMAGNE REFUSE D'ÊTRE TAXÉE D'ÉGOÏSME

Au second reproche adressé à l'Allemagne, celui de l'égoïsme, Mme Merkel a rétorqué qu'il existait de la "solidarité à travers l'Europe". "Sinon, il n'y aurait pas d'aides régionales, de concept de contributeur net, etc." Mais pour elle, cela ne signifie pas que l'on doive faire des "chèques en blanc". D'ailleurs l'Allemagne a finalement accepté le plan de sauvetage si les difficultés menacent. L'Espagne y aura droit si besoin, mais, se méfiant des "prophéties auto-réalisatrices", Angela Merkel a estimé qu'il ne servait à rien d'en parler si cela n'est pas encore une nécessité.

Interrogés à deux reprises sur la possibilité de restructurer la dette d'un pays de la zone euro, Mme Merkel qui y était favorable n'a pas répondu, pas plus que M. Sarkozy. "Cela ne se fera pas, Angela Merkel le sait. Le président y est fermement opposé. Et en parler, c'est accréditer l'idée que ce serait possible", décryptait une source française. Les deux pays ont aussi accepté de priver de droits de vote les pays qui violeraient durablement les règles de l'euro.

Mme Merkel et M. Sarkozy ont pu sans difficulté afficher leur entente sur les sujets qui concernent le G20. "Nous ne sommes pas encore satisfaits", a affirmé Mme Merkel. Avec M. Sarkozy, elle va envoyer une lettre au premier ministre canadien, Stephen Harper, qui présidera la réunion à Toronto fin juin. Les deux pays ont annoncé qu'ils mettraient en œuvre la création d'une taxe sur les transactions financières, ainsi qu'une taxation des banques, pour éviter selon Mme Merkel "que les contribuables aient de nouveau à les renflouer".
Arnaud Leparmentier

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