TOUT EST DIT

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jeudi 3 décembre 2009

L'arrivée d'un enfant accroît les inégalités entre hommes et femmes

La naissance d'un enfant modifie-t-elle la répartition des tâches au sein du couple ? C'est ce qu'a tenté de savoir Arnaud Régnier-Loilier, démographe à l'Institut national d'études démographiques (INED) et spécialiste de la famille. Ses conclusions sont sans ambiguïté. "L'arrivée d'un enfant accentue le déséquilibre du partage des tâches domestiques entre hommes et femmes, écrit-il dans le bulletin de l'INED Population &Sociétés. Ce sont elles qui s'éloignent du marché de l'emploi, elles aussi qui prennent davantage en charge les tâches domestiques."
Arnaud Régnier-Loilier s'est appuyé sur une enquête internationale qui a permis, en France, d'interroger plus de 2 000 couples. Hommes et femmes ont été invités à deux reprises, en 2005 et 2008, à mesurer leur participation à sept tâches ménagères : la préparation des repas, la vaisselle, les courses alimentaires, le repassage, l'aspirateur, la tenue des comptes et l'organisation de la vie sociale de la famille. Parmi les couples interrogés, un quart a eu un enfant entre les deux enquêtes.

Ce travail montre, qu'aujourd'hui comme hier, les femmes assument l'essentiel des tâches domestiques. Parmi celles de 20 à 49 ans vivant en couple, 80 % s'occupent toujours ou le plus souvent du repassage et 70 % de la préparation quotidienne des repas. La tâche la moins mal partagée au sein du couple est la gestion de la vie sociale – invitations chez des amis, préparation des vacances, relations avec la famille –, mais même là les femmes s'impliquent nettement plus que les hommes.

Trois ans après ces résultats, une seconde vague d'entretiens a permis de mesurer si l'arrivée d'un enfant bouleversait la règle du jeu. La réponse est oui, mais pas dans le sens de l'égalité. "Une naissance accentue le déséquilibre du partage des tâches entre conjoints, constate M.Régnier-Loilier. Il devient particulièrement prononcé chez les couples ayant déjà un ou plusieurs enfants au premier entretien et qui se retrouvent avec un enfant supplémentaire de moins de 3 ans."

La dissymétrie se creuse pour la plupart des tâches domestiques : préparation des repas, courses alimentaires, passage de l'aspirateur ou tenue des comptes. Chez les couples qui n'ont pas eu de nouvel enfant, le partage des repas n'a ainsi pas bougé d'un pouce en trois ans. Chez ceux qui ont accueilli un bébé, le déséquilibre s'est accentué : la proportion de femmes s'occupant de la cuisine est passée de 51 % à 58 % lorsque le bébé est le premier enfant du couple, de 72 % à 77 % lorsqu'il a été précédé de frères ou sœurs.

Ces inégalités sont liées au décrochage professionnel des femmes. A la naissance d'un enfant, nombre d'entre elles délaissent le marché du travail : 25% des femmes qui ont accouché d'un premier bébé entre 2005 et 2008 ont cessé ou réduit leur activité, 32 % parmi celles qui ont eu un enfant supplémentaire. Envie de profiter d'un moment privilégié, souci de se conformer aux modèles sociaux, nécessité d'avoir du temps pour absorber le surcroît de travail domestique: tout se mêle pour éloigner les femmes du marché du travail.

Qu'il ait été désiré ou contraint, ce choix finit cependant par les confiner dans le rôle traditionnel de la femme au foyer et accentue encore le déséquilibre au sein du couple. "Le changement de situation professionnelle de la femme explique une bonne partie de l'évolution de l'organisation ménagère, souligne le démographe. Si elle a réduit ou cessé son activité, elle prend en charge plus souvent les tâches les plus quotidiennes (repas, vaisselle)."

Ce bouleversement des équilibres qui régissent le couple au quotidien ne se fait pas de gaieté de cœur : les femmes qui assurent presque toute l'organisation ménagère sont celles qui se disent le moins satisfaites de leur vie familiale. Et leur amertume croît avec le nombre d'enfants : 50 % des mères d'au moins trois enfants déclarent des taux d'insatisfaction élevés, contre 40 % des mères de deux enfants et 30 % des femmes sans enfants. Les hommes, en revanche, ne semblent pas mécontents de la situation : le nombre d'enfants, qui n'influe en rien sur leur taux d'activité, ne pèse aucunement sur leur degré de satisfaction.

Selon M. Régnier-Loilier, l'insatisfaction des femmes est liée au creusement du déséquilibre dans la répartition des tâches. "L'arrivée d'un enfant s'accompagne de tâches supplémentaires, parentales notamment, le plus souvent assumées par les femmes, écrit-il. Ajoutée à la dégradation de la répartition des tâches ménagères, cela pourrait rendre compte de l'insatisfaction plus forte des femmes ayant eu un enfant. (…) Malgré l'idéal d'égalité, la répartition des tâches au sein du couple reste fortement déséquilibrée."
Anne Chemin

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