TOUT EST DIT

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mercredi 30 octobre 2013

Grèce – Un cimetière en mer Egée


De plus en plus de réfugiés syriens meurent dans l’indifférence en tentant la traversée vers l’Europe.

Le 19 mars 2013, sur une côte de Lesbos, en mer Egée, les corps d’une femme et de ses deux enfants ont été repêchés, ainsi que ceux d’une jeune femme enceinte de 17 ans, d’un mineur et d’un homme. Il s’agissait de réfugiés syriens. 

Dans la barque qui les transportait, il y avait d’autres personnes, qui sont portées disparues. Parmi elles, une famille de cinq personnes, ainsi qu’un jeune homme de 14 ans. Tous vivaient en Grèce et avaient été contraints de retourner en Syrie à cause de la crise économique qui s’est abattue sur notre pays. Mais quand la guerre civile a éclaté en Syrie, ils ont décidé de faire le chemin en sens inverse pour revenir là où ils avaient vécu des années, là où sont nés leurs enfants et où ils ont grandi – sans pour autant obtenir des droits ou des papiers. 

On ne s’intéresse pas assez à la douleur qui se cache derrière les mots “immigré clandestin” et les données statistiques sur les immigrants illégaux ou sur ceux qui ne sont pas arrivés dans notre pays parce qu’ils se sont noyés. La tragédie de Lampedusa a mis en lumière la situation horrifiante que l’on peut voir aux frontières maritimes de l’Union européenne et l’application d’une politique élaborée pour interdire l’approche de la “forteresse Europe” aux migrants et aux réfugiés. La mer Egée pourrait raconter de très nombreuses histoires dramatiques, puisque, depuis des années, elle est l’un des principaux itinéraires par lesquels les réseaux de passeurs acheminent les immigrés illégaux en Europe. 

Ces derniers temps, l’augmentation des contrôles aux frontières terrestres dans la région d’Evros, dans le nord du pays, a conduit les réseaux d’“esclaves” à reprendre la voix maritime. Ainsi, au premier trimestre 2013, les garde-côtes ont procédé à 880 interpellations pour “entrée illégale” sur le territoire et à 13 pour “organisation de passage”, alors qu’à la même époque l’année dernière il n’y avait eu que 31 interpellations et 1 arrestation pour les mêmes motifs. 

Les réseaux de passeurs, surtout d’origine turque mais agissant souvent avec des collaborateurs grecs, chargent des familles entières (qui ont payé très cher) sur des embarcations misérables. Ceux qui ne se noient pas, à cause de leur embarcation, en arrivant dans les eaux grecques ou près des côtes provoquent eux-mêmes le chavirement pour contraindre les garde-côtes ou d’autres bateaux à repêcher et à sauver les migrants et leur permettre d’arriver en Europe – même s’ils sont mis en détention. Or, très souvent, dans ce genre de situation, le chavirement de l’embarcation de fortune fait que ses passagers se noient. 

Rares sont ceux qui s’en émeuvent. Les trafiquants ont déjà été payés et, pour les autorités grecques et européennes, les immigrés clandestins sont souvent un poids. D’ailleurs, des “batailles navales” entre garde-côtes grecs et turcs se seraient récemment déroulées : chacun cherchait à pousser une embarcation chargée de migrants dans les eaux territoriales de l’autre. Quel est le bilan en mer Egée ? Pour 2011, on dénombre 7 morts et 44 disparus, contre 36 morts et 5 disparus en 2010 et 24 morts et 59 disparus en 2009. Il n’y a pas de données pour 2008. L’organisation Forteress Europe parle de 662 morts et 842 disparus en mer Egée entre 1988 et 2013. 

Il s’agit d’une tragédie sans fin. Le 26 juillet dernier, les corps de 6 migrants, dont 2 enfants, ont été repêchés sur l’île de Kos, dans le Dodécanèse. Le 14 janvier, 3 corps avaient été découverts à Chios. Le 15 décembre 2012, on dénombrait 20 corps sur les côtes de Lesbos – un seul naufragé avait pu être sauvé. Le 6 septembre 2012, 67 migrants, dont 31 enfants, s’étaient noyés près des côtes de Smyrne. 

Giannis Elafrou

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