vendredi 22 novembre 2013
Cap dissolution
Cap dissolution
“Le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est celui où il commence à se réformer”, disait Tocqueville. Hollande a peu d’issues devant lui.
Remise à plat. Jean-Marc Ayrault l’annonce (les Échos de ce 19 novembre) : il faut remettre à plat notre fiscalité, trancher dans les dépenses publiques, réaliser plus d’économies. Très bien. Si ce n’est que, prévoyant cela pour le budget 2015, il donne comme exemple de ce qu’il veut faire sa propre réforme des retraites — autant dire une réforme pour rien, qui ne comporte que des hausses de cotisations… Il faut ajouter que ce gouvernement s’est d’avance disqualifié pour conduire cette remise à plat fiscale, son premier ministre en particulier, lequel nous affirmait il y a un an que neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par les hausses d’impôts, avant de prévoir en septembre dernier une “pause fiscale” en 2015, quinze jours après que le chef de l’État en eut parlé pour 2014…
Tocqueville rappelait que « le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer ». Or celui-ci ne commence même pas à se réformer, il déclare seulement par la voix de son sous-chef qu’il va le faire, et c’est pire. L’agence Standard & Poor’s, qui dégradait la note de la France le 8 novembre, accompagnait sa décision par un commentaire dans le droit fil de l’observation de Tocqueville : toute réforme a besoin, pour être menée à bien, du soutien et de la confiance du public. Le gouvernement Hollande-Ayrault n’a plus ni l’un ni l’autre.
Il faut pourtant changer de politique, l’actuelle n’ayant abouti qu’au blocage général et à la révolte fiscale. Ségolène Royal l’affirmait dimanche dernier sur France 3 : il est temps, disait-elle, de fixer un nouveau cap, de redonner des perspectives au pays, de libérer ses énergies. Mais cette nouvelle politique dont commence à parler Ayrault (c’est-à-dire Hollande), qui peut la mettre en oeuvre ? Qui peut faire voter une telle réforme fiscale, c’est-à-dire non pas une pause mais une baisse massive des impôts et des charges sociales ? « Ce n’est pas une question de casting gouvernemental », dit Ségolène Royal. Certes, car il faudrait pour cela que notre équipe dirigeante soit capable de défaire (excepté l’accord sur le marché du travail) tout ce qu’elle a fait depuis dix-huit mois, et qu’elle le fasse approuver par une majorité parlementaire, constituée pour moitié d’apparatchiks du Parti socialiste, qui s’est ingéniée à aggraver par ses amendements les pires mesures gouvernementales. Elle devrait, en outre, le faire contre son électorat le plus à gauche.
« Le mal qu’on souffrait patiemment comme inévitable semble insupportable dès qu’on conçoit l’idée de s’y soustraire », poursuivait Tocqueville. Arrivera donc le moment où le président de la République ne pourra pas éluder le choix : ou bien il est convaincu qu’il faut effectivement une nouvelle politique (changer de cap) pour redresser le pays avant qu’il ne soit trop tard, même pour lui, et dans ce cas, il rend la parole au peuple ; ou bien il continue d’espérer que les choses s’arrangeront d’elles-mêmes et annonce une réforme en trompe l’oeil qui lui permettra de conserver sa majorité actuelle ; il préparerait alors la crise finale.
Pour le pays, il faut souhaiter la dissolution de l’Assemblée, incapable de voter une autre politique. « La dissolution, disait Jacques Chirac le 14 juillet 1996, n’a jamais été faite, dans notre Constitution, pour la convenance du président de la République. Elle a été faite pour trancher une crise politique. » Neuf mois plus tard, alors qu’il n’y avait pas de crise politique à proprement parler, il prit la décision de dissoudre l’Assemblée et l’on en connaît les résultats : les triangulaires avec le Front national, la large victoire de la gauche plurielle de Lionel Jospin. Aujourd’hui, François Hollande pourrait d’autant plus s’inspirer des propos tenus par Jacques Chirac, le 21 avril 1997 (voyez l’Histoire de la Ve République de Chevallier, Carcassonne et Duhamel) que nous traversons une vraie crise politique : « J’ai acquis la conviction qu’il faut redonner la parole à notre peuple afin qu’il se prononce clairement sur l’ampleur et le rythme des changements à conduire… »
La dissolution déboucherait sur une nouvelle cohabitation, président de gauche, majorité de droite (Mitterrand en a connu deux). C’est alors que la remise à plat annoncée pour 2015 pourrait effectivement entrer dans les faits. Naturellement à une condition, que Jean-François Copé et l’UMP se soient préparés, que leurs projets aient été rédigés et connus de l’opinion. Même si M. Hollande ne se résout pas à dissoudre, la droite aurait au moins montré qu’elle se tenait prête. Ce ne serait déjà pas si mal.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire