TOUT EST DIT

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vendredi 22 novembre 2013

Solex, l’art de relancer une vieille marque en pédalant longtemps


C’est le sixième repreneur à vouloir faire redémarrer le célèbre vélomoteur. A force de persévérer, ça va peut-être marcher.
Soixante-sept ans au compteur. Voilà ce qu’affiche Solex, le mythique deux-roues. Souvenez-vous : le moteur à galet qu’il fallait ajuster sur le pneu avant, les coups de pédale dans le vide à donner pour obtenir la pétarade du démarrage, le cambouis sur les mains et les 35 kilomètres à l’heure de vitesse de pointe, en pente et le vent dans le dos. Lancée en 1946, la «bicyclette qui roule toute seule», un temps propriété de Renault et de Yamaha, s’est vendue à 8 millions d’exemplaires à travers le monde. Puis sa production a été arrêtée, en 1988.
Objet culte. Peut-on relancer un produit légendaire lorsque sa technologie est dépassée, que ses usines sont fermées et que les salariés qui en possédaient les secrets de fabrication ont pris leur retraite ? Plusieurs sociétés s’y sont risquées. Un fabricant hongrois, en 1998, sans succès ; Fiat, en 2000, sans jamais ­sortir le moindre modèle ; puis Jean-Pierre Bansard, «serial» entrepreneur et fondateur d’Usines Center, en 2006 ; et finalement, en avril 2013, le dernier repreneur du fameux engin, Grégory Trébaol, patron du fabricant de vélos électriques Easybike (sous ce nom et en marque blanche pour Decathlon, Feu vert…). Jean-Pierre Bansard a été le premier à avoir l’idée de repositionner Solex sur le créneau encore balbutiant du deux-roues électrique. Pour réveiller la belle endormie, il a demandé au designer italien ­Pininfarina (qui a officié, entre autres, pour Ferrari) de redessiner sa bécane. L’e-Solex, sorti en 2007, n’a plus grand-chose à voir avec son illustre ancêtre. Seul un léger renflement abritant le phare avant rappelle la silhouette d’antan. Pour le reste, un moteur silencieux de 400 watts (36 chevaux), caché dans le cadre et la roue arrière, lui permet d’atteindre lui aussi 35 kilomètres à l’heure.
Le vélo, c’est le salut. Le modèle s’écoule à 3 000 exemplaires en un an, puis les ventes chutent. Arrivé trop tôt pour le marché, il est trop lent pour un scooter (il est considéré comme tel, et nécessite donc une assurance et le port d’un casque) et pâtit surtout d’un SAV peu réactif. «La marque a mis longtemps à déployer un bon réseau de revendeurs, explique un marchand de cycles parisien, et les pièces de rechange, fabriquées en Chine, n’arrivaient pas assez vite.» Bansard a, en parallèle, étoffé sa gamme, en sortant deux «vélos à assistance électrique» (dont le moteur ne peut s’activer que lorsqu’on pédale), dont un pliant. Bien vu. Dans l’Hexagone, ce marché a enfin passé la seconde et croît de 15% par an, à 40 millions d’euros. «Et encore, ça n’inclut pas les achats des collectivités !» ajoute Laurent Garrigues, de la revue «Bike éco».
Avec l’arrivée de nouvelles marques, dont Smart ou BMW, Grégory Trébaol, le nouveau propriétaire, veut accélérer l’effort de diversification. «Pas question de rester monoproduit, martèle le patron d’Easybike. Pour occuper le terrain, augmenter nos volumes, abaisser notre point mort, nous devons élargir notre offre.» Il vient ainsi de présenter deux nouvelles gammes. L’une électrique, bien sûr, mais sur le segment des VTT. L’autre, plus surprenante, de vélos classiques : deux modèles pour adultes, un pour enfants (le Solexkid) et même un «fixie», vélo sans vitesses ni garde-boue, très en ­vogue chez les adolescents.
Opération Montebourg. Pour fabriquer ces modèles, Grégory Trébaol a annoncé la relocalisation dans la Manche d’une partie de sa production : 1 000 unités en janvier, 3 000 fin 2014, soit 30% de son assemblage, le reste continuant d’être fabriqué à Shanghai. Produire en France devrait permettre à Easybike de trouver de meilleurs fournisseurs, Bosch par exemple, qui refuse d’envoyer en Chine ses très bons moteurs électriques. Et de se rapprocher des fabricants de selles ou d’éclairage, installés en France. «Le surcoût de production est de 15 à 20%, on peut y arriver», assure le PDG, qui a réuni 8 millions d’euros pour transformer une vieille usine de vélos rachetée pour l’occasion. Et l’a fait savoir : Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, s’est déplacé pour se réjouir devant la presse, après trois coups de pédales sur le parking, du renouveau de l’industrie française.
Mine de rien, ce coup de pouce marketing va permettre à l’entreprise de se renforcer… à l’ex­port. De l’Australie à l’Italie, en passant par la Thaïlande et les Etats-Unis, l’international représente déjà 75% des ventes de Solex. Le rapatriement va lui permettre d’afficher le label «made in France». Et de mieux cibler les pays qui y sont sensibles, comme la Chine, premier marché du vélo électrique. «Cela dit, la marque elle-même est déjà une carte de visite efficace dans ces pays», tempère Guillaume Hemmerlé, directeur de participations chez Sigma Gestion, un fonds ­actionnaire d’Easybike.
A l’étranger comme en France, Grégory Trébaol a fait le ménage dans la distribution. Il a supprimé une partie des intermédiaires, pour remonter le niveau de marge des détaillants. «Désormais, ces derniers gagnent environ 30% sur nos modèles, un niveau conforme à ce qui se pratique dans le secteur», explique le boss. Plus motivés, les détaillants n’ont plus de raisons d’être négligents dans leurs conseils au client. Et le nombre de points de vente a augmenté, de 130 à 200.
Fan-club. Grégory Trébaol ne mise pas sur la pub pour soutenir la croissance de son réseau. «La mar­que n’en a pas encore les moyens.» Mais il emporte ses Solex dans tous les salons spécialisés de la planète, en Allemagne, en Italie, aux Etats-Unis. C’est sa seule dépense de com hormis un partenariat avec le Tour de France, qui a cobrandé une série limitée de Solex. Pour le reste, Trébaol compte sur l’enthousiasme des 300 clubs de passionnés pour relancer sa notoriété en France.
«La nostalgie, c’est bien, mais Solex doit aussi mettre en avant le plaisir et l’émotion», relève Bertrand Chovet, ­directeur de l’agence Interbrand Paris, spécialiste de la valorisation de marques. Le plaisir de ne plus avoir de cambouis sur les mains après avoir pédalé comme un fou pour entendre la pétarade du démarrage ?
La gamme a évolué doucement :
e-Scooter :
Lancé en 2007. Son moteur s’actionnant sans pédaler, il est considéré comme
un scooter et exige casque et assurance. Pour une vitesse maxi de 35 km/h…
Vélo pliable :
En 2009, Solex sort un premier VAE, vélo à assistance électrique (qui fonctionne quand on pédale), mais pliable. Un marché de niche.
Vélo électrique :
Solex s’attaque enfin, en 2011, à la catégorie des VAE classiques, en plein boom. Avec trois modèles, du moyen au haut de gamme.
Fiche d’identité :
- Le premier VéloSolex a été lancé en 1946 par Solex, à l’époque ­spécialiste des radiateurs et des ­carburateurs. Il s’en est vendu près de 8 ­millions avant ­l’arrêt de la ­fabrication, en 1988.
- La marque Solex a appartenu tour à tour à Renault, à Yamaha,à un fabricant hongrois, à Fiat et au groupe Cible (Usines Center), avant d’être rachetée cette année par Easybike.
- Un tiers de la production va être relocalisé à Saint-Lô,en Normandie.

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