Un sociologue a étudié la fréquence des prénoms des bacheliers en fonction des sections. Un moyen de mettre en lumière les inégalités du monde scolaire.
jeudi 4 avril 2013
Le prénom fait-il le bachelier ?
C'est une autre interprétation des résultats du bac. Alors que les parents ont les yeux rivés sur les palmarès des lycées publiés par les médias la semaine dernière, Baptiste Coulmont, lui, s'est penché sur la représentation des prénoms dans les résultats des sections générales et technologiques du bac. Ce sociologue, maître de conférences à l'université Paris-VIII et auteur de Sociologie des prénoms (Éditions La Découverte), a étudié une nouvelle fois les résultats nominatifs de la cuvée 2012, pour conclure qu'à certains prénoms étaient associées des proportions de mentions spécifiques.
Et c'est ainsi que Coulmont établit une liste de prénomssurreprésentés dans plusieurs terminales. Résultat : les prénoms plus bobos ou plus fréquents dans les quartiers chics reviennent plus régulièrement dans les sections générales et, à l'inverse, les prénoms habituellement donnés dans des classes sociales modestes sont relativement plus représentés que les autres prénoms dans les séries technologiques. Aliénor, Violette, Augustin et Sixtine sont ainsi majoritairement présents dans les filières générales, alors que Teddy, Ahmed et Prescillia abondent dans les sections technologiques.
Un poncif sans surprise ? "Certes, il n'y a rien de révolutionnaire dans cette étude", admet le sociologue. "Mais le prénom permet de repérer l'origine sociale des parents et de mettre en lumière les inégalités du monde scolaire." Et de noter que le prénom encode non seulement le milieu social de celui qui le porte, mais aussi son sexe, sa génération, son milieu social et, éventuellement, une identité revendiquée, comme la région d'origine, par exemple. Passer par le prénom permet ainsi de passer outre à l'interdiction des statistiques "ethniques". En 2005, déjà, trois chercheurs (1) avaient employé cette méthode, alors inédite, pour dénoncer "l'apartheid scolaire" dans l'académie de Bordeaux.
Ainsi, selon les travaux de Baptiste Coulmont, ce sont des filles qui sont relativement plus représentées dans la section L (littéraire) et en ST2S (sciences et technologies de la santé et du social), et les garçons en S (scientifique), ES (économique et social) et STI (sciences et technologies industrielles).
Habitué aux interprétations abusives de ces études, le sociologue prend tout de même la peine de rappeler que "le prénom ne joue aucun rôle". Que les lycéens prénommés Brandon et Jessica ne se désespèrent donc pas : eux aussi ont la possibilité d'accéder aux sections générales. De la même manière que les Henri et Capucine peuvent tout à fait suivre des études technologiques. Mais il y a fort à parier qu'ils ne seront pas nombreux à porter le même prénom dans leur classe.
(1) Georges Felouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton, L'apartheid scolaire. Enquête sur la ségrégation ethnique dans les collèges, Le Seuil, 2005 (235 p., 19 €).
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