TOUT EST DIT

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jeudi 4 avril 2013

Eric Zemmour : "La bagarre idéologique se passe désormais à la télévision"


Pour la sortie du “Bûcher des vaniteux 2” (Albin Michel), Éric Zemmour revient sur ses relations avec la rédaction de RTL, ses positions idéologiques, son renvoi de France 2…
Dans ce « Bûcher des vaniteux 2 » (éd. Albin Michel), on retrouve vos vieilles antiennes : l’islam, votre hostilité aux lois mémorielles, à l’euro, à l’Europe libérale, aux soixante-huitards. Vous n’avez pas l’impression de tourner en rond ? 
– C’est évidemment le risque. Quand on est chroniqueur, on navigue entre deux écueils. D’un côté, il y a le risque de se contredire. C’est ce qui arrive à ceux qui n’ont pas de ligne cohérente. Et puis il y a l’écueil inverse. Quand on a une cohérence idéologique et qu’on applique toujours la même grille de lecture, le danger est effectivement de tourner en rond. « On écrit toujours le même livre », disait Proust. Vous me dites : « Vous écrivez toujours le même papier. » Vous avez raison. Pour compenser, j’essaie de varier en traitant aussi de sujets internationaux, d’éducation… Et puis – étant un vieux de la vieille – je crois aussi beaucoup au style, à l’élégance du style. La forme sauve tout.
Etes-vous libre de choisir vos sujets sur RTL ? 
– Le choix d’un sujet est toujours le produit d’une élaboration complexe entre un journaliste et son rédacteur en chef. A RTL, souvent, je propose. Parfois, c’est lui qui propose. Ensuite, tous les papiers sont relus. C’est normal et c’est important. Même les plus grands éditorialistes sont relus. Maintenant, suis-je censuré ou ne le suis-je pas ? Sur une saison, disons qu’il y a des discussions sur dix papiers. Il m’arrive d’enlever un mot par-ci, un mot par-là, de retirer une provoc jugée inutile. On discute.
Vos billets ont parfois irrité la rédaction de RTL. 
– Deux ou trois chroniques ont effectivement suscité la colère de la rédaction. Mais, après tout, elles n’engagent que moi, pas la rédaction. RTL a fait ce choix de venir me chercher pour avoir un regard différent et iconoclaste sur l’actualité, un regard qui tranche avec le ronron médiatique. C’était un pari audacieux et risqué.
RTL a fait un autre choix : celui de raréfier votre chronique. Elle était quotidienne jusqu’à l’été 2012, elle est, depuis, proposée deux fois par semaine. 
– Ca a été l’une des conséquences de la polémique suscitée par la chronique sur Christiane Taubira [« En quelques jours, Taubira a choisi ses victimes, ses bourreaux, a-t-il dit le 23 mai au micro de RTL. Les femmes, les jeunes des banlieues sont dans le bon camp à protéger, les hommes blancs dans le mauvais », NDLR]. Sur l’idée, je n’étais pas enthousiaste. Finalement, je me fais à ce nouveau rythme. Je m’adapte. On se fait à tout, vous savez.
D’après un sondage Ifop réalisé pour « Marianne », 63 % des auditeurs de RTL sont des électeurs de droite et d’extrême droite. En réduisant votre temps d’antenne, RTL fait-elle des choix politiques ? 
– Ce sont, en tout cas, des choix que je peux comprendre. Même si je trouve aussi qu’avoir ces électeurs de droite et d’extrême droite est une chance pour RTL. Ces gens-là sont habituellement plutôt maltraités par les médias. Ils sont dégoûtés par les médias, ils ne s’y retrouvent pas.
Nicolas Sarkozy, François Hollande, François Bayrou, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon : i ls sont tous« des enfants de la télé », écrivez-vous. Que voulez-vous dire ? 
– Hormis Mélenchon, ils ont tous une culture livresque assez limitée. Leur culture est télévisuelle. Tous ont une réelle habitude de la télévision, qu’ils manient avec facilité. Ils ont grandi avec les journalistes, ils savent s’en servir. Sarkozy et Hollande étant les plus doués de tous. Sarkozy et Hollande sont pour moi des « grands journalistes ». Ils ne sont quasiment plus des hommes politiques. N’ayant plus de réel pouvoir, ils sont devenus des commentateurs, des manipulateurs de symboles, de concepts et de médias. Dépourvus de pouvoir, ils doivent faire illusion.
Patrick Cohen a reproché, le mois dernier, à Frédéric Taddeï d’inviter des personnalités controversées comme Dieudonné ou Tariq Ramadan. Peuton inviter tout le monde à la télévision ? 
– Dans cette histoire, je suis à 100 % du côté de Taddeï. Sans hésiter. Ca ne se discute même pas. Je suis pour la liberté d’expression. Taddeï a raison d’inviter tout le monde et c’est d’ailleurs lui qui fait la meilleure émission. Quant à Cohen, il a tort sur toute la ligne. Il ne doit pas y avoir de liste noire, c’est un scandale. J’ai débattu avec Tariq Ramadan chez Ruquier [France 2] et sur le plateau de « Zemmour et Naulleau » [Paris Première]. On s’est dit des choses rudes, et rudement. Il n’empêche : elles ont été dites.
Etes-vous blacklisté à la télé ?  – Je ne crois pas. En revanche, des politiques refusent de venir sur Paris Première à cause de moi. Mélenchon, par exemple, refuse de venir à cause d’une chronique que j’ai faite surRTL. Mais il n’est pas le seul. Ca a d’ailleurs été l’un des arguments de mon renvoi de France 2. De plus en plus d’acteurs, de chanteurs et d’écrivains – tous ces grands démocrates qui se croient une âme de gauche – étaient horrifiés à l’idée d’être assis face de moi et ne voulaient plus venir sur le plateau de Ruquier.
« La télévision privilégie l’oral sur l’écrit, l’image sur le mot, l’identification sur la réflexion », écrivez-vous. Ne manquez-vous pas de reconnaissance à l’égard d’un média auquel vous devez tant ? 
-  Il faut juger objectivement la télé. La télévision est un univers abêtissant, à la fois pour le débat intellectuel et politique. C’est un univers qui privilégie l’émotion sur la raison. Mais, c’est vrai, la télévision est aussi un outil idéologique formidable. J’utilise la télévision comme un vecteur de diffusion de mes convictions et de mes idées. Et c’est d’ailleurs pour ça que j’ai perdu mon poste chez Ruquier. La bagarre idéologique se fait désormais à la télévision, plus dans les revues ni dans les think tanks.
Eric Zemmour, journaliste ou idéologue ? 
– J’utilise les techniques journalistiques pour défendre mes idées. A la télé, vous remarquerez d’ailleurs que je ne pose pas de questions. Je débats. Ca agaçait d’ailleurs beaucoup Ruquier qui me disait toujours : « Elle est longue votre question ! » Aujourd’hui, avec Naulleau, on en rit sur Paris Première.
En passant de France 2 à Paris Première, votre auditoire a diminué. Un rendez-vous sur une grande chaîne à une heure de grande écoute, pour « propager » vos idées, ça ne vous manque pas ? 
– Si, forcément. Car on essaie toujours d’avoir le plus de monde possible. Mais que voulez-vous, c’est comme ça. Paris Première et le groupe M6 ont déjà été formidables de m’accueillir, de résister à la bronca générale et aux pressions en tout genre.

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