mardi 5 mars 2013
Le goût retrouvé du Flanby
Le goût retrouvé du Flanby
Il y avait la semaine dernière au supermarché une promotion intéressante sur les Flanby (0,99 euro les 4 pots de 100 grammes). L'occasion de faire des économies, mais aussi de goûter au plus politique des desserts depuis que Laurent Fabius l'a gentiment choisi pour surnommer son camarade François Hollande. L'occasion d'en retrouver la saveur, un peu perdue depuis la guerre au Mali, mais redécouverte avec la riposte - pour l'instant - flasque du gouvernement face à la panne sèche de croissance, à l'envolée du chômage et au dérapage incontrôlé du déficit budgétaire. Démoulé, un Flanby ressemble comme deux gouttes de caramel à la politique économique de la France. Aucune tenue, aucune consistance, un nappage de belles paroles et de fausses promesses enrobant un contenu au goût improbable s'affaissant sur lui-même au fond de l'assiette. Beurk.
Par manque de gélifiant, de cohérence et de ligne directrice claire, la stratégie économique suivie par M. Ayrault depuis dix mois est elle aussi dépourvue de toute texture. Le gouvernement est libéral les jours pairs, antilibéral les jours impairs, ouvert aux réformes le matin, fermé l'après-midi. Le Premier ministre expliquait hier que sa "priorité absolue"était de ramener le déficit public à 3 % en 2013 ; il admet aujourd'hui que l'objectif ne sera pas atteint mais que ce n'est pas si grave et surtout pas sa faute. Le gouvernement insulte les patrons le lundi mais les caresse dans le sens du poil le mardi. Il prétend favoriser l'esprit d'entreprise pour créer des richesses le mercredi, mais souhaite la mort des riches le jeudi. Il exclut la rigueur le jeudi, mais annonce une "gestion rigoureuse" le vendredi. De quoi avoir des haut-le-coeur aussi sûrement qu'en avalant trop vite son Flanby.
Même quand elles vont dans le bon sens, les mesures économiques prises par le gouvernement sont d'une telle mollesse qu'elles en perdent toute efficacité. Incapables de guérir les deux grands maux dont souffre l'économie française et desquels découlent tous les autres : le délabrement de ses finances publiques (87,2 milliards d'euros de déficit en 2012 quand l'Allemagne est à l'équilibre), et la ruine de son commerce extérieur (67 milliards d'euros de déficit en 2012 quand l'Allemagne dégage un excédent de 188 milliards et l'Italie, dont on aime tant se moquer en France, un surplus de 11 milliards).
L'économiste Patrick Artus le résume parfaitement bien. "Le problème français ne se traitera pas avec de l'homéopathie." Louis Gallois souhaitait un choc de compétitivité de 30 milliards d'euros à travers des baisses de charges concentrées sur un ou deux ans. Au lieu de cela, le gouvernement a construit une usine à gaz, le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), à l'efficacité incertaine. Qui au mieux réduira à terme les impôts des entreprises industrielles de 5 milliards d'euros quand, selon M. Artus, un effort de 75 milliards d'euros serait nécessaire pour ramener les marges bénéficiaires de l'industrie française au niveau de sa rivale allemande.
Quant à l'accord "historique" du 11 janvier sur le marché du travail signé entre le patronat et les syndicats, il consiste pour l'essentiel à pouvoir baisser les salaires dans les entreprises en grande difficulté pour sauver des emplois. Bref, il ne réglera en rien le problème global du manque de profitabilité des entreprises françaises et encore moins celui du coût du travail (35,30 euros, charges sociales incluses, pour le salaire horaire dans l'industrie en France, contre 29,90 euros en moyenne dans la zone euro).
Le seul domaine, malheureusement, où le gouvernement français ne se montre pas du tout Flanby, où il fait preuve d'une détermination sans faille et d'une grande audace, c'est en matière de matraquage fiscal : 32 milliards d'euros cette année de hausse des prélèvements obligatoires, qui atteindront un record absolu, à 46,3 % du PIB.
Rien ou presque rien (6 milliards), en revanche, du côté de la maîtrise des dépenses, au grand dam de la Cour des comptes et de son président, Didier Migaud, socialiste aussi éclairé qu'isolé. Sans doute par peur de modifier son propre ADN, la gauche continue de repousser la réduction des dépenses... on allait écrire aux calendes grecques, mais on a peur que cette expression soit tristement prémonitoire.
Comme un symbole, le gouvernement vient même d'annoncer la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires instauré par M. Sarkozy. Coût : entre 120 et 200 millions d'euros pour les finances publiques (voir Le Point, n° 2111, p.38). Mme Lebranchu évoque une mesure "humiliante", mais c'est plutôt son abrogation qui, vis-à-vis de toutes les personnes travaillant dans le secteur privé et menacées par le chômage, est honteuse. Malgré cela, la Commission continue de fermer les yeux sur les errements français. Elle n'a en vérité pas le choix. Dire aujourd'hui tout haut ce qu'elle pense tout bas de la politique économique française, ce serait à coup sûr faire repartir la crise financière dans la zone euro.
Dans sa conférence de presse du 13 novembre, François Hollande avait lancé : "L'économie n'aime pas les chocs." De fait, si la formule résume très bien la politique économique du gouvernement, elle contient aussi son échec annoncé. Cette fausse quiétude et cette vraie mollesse, cette volonté de ne surtout pas brusquer les choses, en pariant sur le retour improbable de la croissance économique mondiale, nous mènent tout droit au naufrage. Les sauveteurs en mer le savent : pour secourir un bateau et son équipage, il faut agir vite et prendre des risques.
Avec la politique, ou plutôt la non-politique économique de MM. Hollande et Ayrault, non seulement la France va continuer à prendre du retard sur les pays d'Europe du Nord, où la compétitivité est depuis longtemps une religion, mais elle va aussi se laisser distancer par les pays d'Europe du Sud, qui viennent de s'y convertir. On sait pourtant depuis juin 1940 comment se termine une guerre de mouvement pour des troupes maintenues immobiles par des dirigeants aveugles derrière une ligne Maginot. Par une débâcle.
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