mercredi 5 décembre 2012
Déserts médicaux : pourquoi Marisol Touraine est hors-sujet quand elle pense résoudre le problème à coup de subventions
Lors d'une interview donnée à la chaîne
M6, Marisol Touraine a déclaré vouloir garantir aux jeunes médecins
généralistes un salaire minimum de 55 000 euros par an afin de les
inciter à s'installer dans les déserts médicaux. La ministre de la Santé
annoncera l'intégralité de son plan de lutte le 13 décembre.
Dominique Dupagne :
Tout d'abord, il est clair et net, et Marisol Touraine l'a affirmé, que
l'on ne peut pas obliger un médecin libéral à s'installer quelque part.
La ministre subit pourtant une pression très forte des élus locaux pour
introduire de la coercition. La contrainte de l'Etat ne peut donc
s'inscrire que dans la création d'un corps de médecins salariés qui eux
pourraient être affectés autoritairement là où les besoins de la santé
publique le demande. Dans ces conditions, il reste seulement
l'incitation. Cependant, pour pousser des jeunes médecins à
s'installer quelque part, il ne suffit pas de distiller quelques
milliers d'euros. En effet, l'installation représente un investissement
lourd et pour que l'incitation fonctionne, le médecin va redouter une
mesure conjoncturelle qui ne durera que le temps d'un mandat
ministériel.
Nous, médecins blogueurs, avions proposé un projet plus global et ambitieux qui consistait à étendre sur tout le territoire les maisons ou pôles de santé universitaires. L'incitation
serait d'une part liée à la création de postes salariés et d'autre part
au travail d'équipe, ce qui peut pousser certains jeunes à franchir le
cap d'habiter en campagne. Le travail dans les déserts médicaux
pourrait aussi s'envisager comme une mission salariée d'une durée
limitée dans le temps mais avec un statut clair.
Marisol
Touraine récupère une véritable bombe car cela fait des années que le
problème empire et que rien n'est fait pour résoudre le problème des
déserts médicaux. Aujourd'hui, on arrive à un point où il faut trouver
des moyens considérables pour réamorcer un retour à la normale, et je ne
sais pas si la ministre pourra en disposer.
Sylvain Blondin : C'est une des solutions mais cela ne résoudra pas le problème. Depuis quelques années, des actions sont menées pour repeupler de médecins les déserts médicaux, sans un succès notoire.
Les problématiques de la santé doivent être traitées dans leur ensemble
pour pouvoir avancer efficacement. Les mesures incitatives ne
résoudront pas à elles seules le problème des déserts médicaux, sachant
qu'aujourd'hui, nous manquons de médecins en France.
Les
médecins sont à saturation. En effet, le taux de suicide dans en
campagne n'a jamais été aussi élevé, il est 7 fois supérieur à la
moyenne nationale. Cela s'explique notamment par le surmenage,
la charge immense de travail et la solitude. Aujourd'hui, il fa
Dominique Dupagne : Si
des postes salariés sont crées, il n'y aura pas de problèmes pour
trouver des médecins afin de les pourvoir même s'il faudra peut-être
payer plus cher dans certains endroits. En effet, malgré les
idées reçues, il existe suffisamment de médecins qui ont la volonté de
travailler en campagne pour que les postes soient pourvus. Le
problème, c'est que l'on ne demande pas seulement aux médecins de venir
s'installer quelque part mais d'investir quelque part et donc de créer
des dettes. Nous sommes aujourd'hui dans la fable de la grenouille qui
s'endort dans l'eau qui tiédit, mais qui s'échappe de la casserole si
l'eau est d'emblée bouillante. Les médecins installés depuis plus de 20
ans se sont adaptés progressivement aux contraintes et à la
désertification. Les jeunes qui se retrouvent face à une absence d'école
et de commerces, à des contraintes administratives envahissantes,
refusent de s'embarquer dans l'aventure de l'installation libérale.
Sylvain Blondin : Il y a tout d'abord un manque d'information au niveau des étudiants en médecine.
Ils sont le plus souvent orientés vers le milieu hospitalier qui est
assez méprisant à l'égard de la médecine rurale. Deuxièmement, les
jeunes ne sont pas incités à faire leur stage en campagne et sont
majoritairement orientés dans des hôpitaux. Il faudrait certainement
leur expliquer les avantages qu'il peut y avoir à exercer leur
profession en campagne. En outre, les communes sont financièrement
bloquées : il faudrait essayer de mutualiser les financements entre le
privé et le public. Mais cela signifie de mettre en place une
législation afin de préserver le coût des loyers. De plus, il faudrait
également laisser un pourcentage de marge pour continuer à encourager
les investissements.
Il
est également nécessaire de travailler transversalement. En effet, il
faudrait rassembler toutes les professions médicales et paramédicales
tout en développant les services à la personne.
62
% des médecins qui s'installent sont des femmes. Le temps de travail
d'une femme va être différent de l'homme car elle va consacrer plus de
temps à sa famille et à l'éducation de ses enfants. En outre, les
médecins femmes prennent plus de temps dans sa consultation avec le
patient, en moyenne trois minutes de plus par personne.
Dominique Dupagne : Je ne pense pas. Aujourd'hui, on
voit que beaucoup de jeunes désirent travailler en campagne. Malgré les
apparences, la nouvelle génération de médecin ne snobe pas la campagne
et ne préfère pas forcément travailler en ville.
Sylvain Blondin : Il
faut tout d'abord rappeler que nous ne manquons pas seulement de
médecins généralistes en France, mais aussi de spécialistes
(gynécologue, ophtalmologues, pédiatres...). Dans ce cas-là, le milieu
urbain est également touché par le problème. La répartition géographique
des professionnels de la santé est un faux problème.
Il
est vrai que certains préfèrent la qualité de vie que la ville peut
offrir. Mais les mérites de la qualité de vie en campagne sont trop
souvent snobés de part les professeurs. Plus largement, la médecine
générale est de plus en plus délaissée par les étudiants au profit des
spécialisations.
La
solution serait de proposer aux jeunes des formations complémentaires
pour revaloriser le travail dans les campagnes et permettre à ceux qui
seraient susceptibles d'être intéressés de pouvoir se lancer.
ut
développer des pôles de santé pour permettre aux médecins de mutualiser
leur groupe.
Dominique Dupagne : D'un
côté les médecins n'ont jamais été aussi nombreux, mais en même temps,
on a fabriqué un nombre de postes invraisemblable, notamment de médecins
salariés dans divers systèmes d'encadrement. Les médecins ont été
littéralement absorbés par l'administration du soin. En outre, de plus
en plus de médecins conservent un statut de remplaçant car ils peuvent
exercer sans engagement en gagnant très bien leur vie en touchant leurs
honoraires sans avoir à payer les charges des médecins.
Pour ce qui est du numerus clausus, il n'est pas nécessaire de le rehausser sachant que cela ne changerait pas grand chose.
En effet, il peut paraître absurde que l'on réduise l'accès à la
profession en France en même temps que l'on fasse venir des milliers de
médecins roumains pour exercer en campagne et du Maghreb pour combler le
manque de personnel dans les hôpitaux. Mais ce n'est pas en augmentant
le numerus clausus que les jeunes médecins vont aller s'installer dans
des déserts médicaux. Le seul moyen pour s'en sortir est de prendre des
mesures à la hauteur des enjeux, comme nous l'avons préconisé dans notre
appel des 24 blogueurs.
Il faudrait créer des milliers de maisons de santé. La population des
médecins dans les déserts médicaux est un enjeu qui mérite que l'on y
consacre de véritables moyens.
Sylvain Blondin : Il
faut tout d'abord rappeler que nous ne manquons pas seulement de
médecins généralistes en France, mais aussi de spécialistes
(gynécologue, ophtalmologues, pédiatres...). Dans ce cas-là, le milieu
urbain est également touché par le problème. La répartition géographique
des professionnels de la santé est un faux problème.
Le
numerus clausus a été une manière de la part de Simone Veil de limiter
le nombre de médecins ceux-ci étant trop nombreux. Aujourd'hui, il
faudrait effectivement le relever mais cela pose plusieurs problèmes :
tout d'abord, il n'y a pas assez d'universités, mais il n'y a pas non
plus assez de professeurs et surtout il n'y a pas assez d'argent. La
solution réside certainement dans le développement des partenariats avec
les universités étrangères.
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