Le gouvernement recourt à la menace pour parvenir à ses fins,
exigeant de ses interlocuteurs qu'ils renoncent à penser par eux-mêmes.
L'échange économique et l'investissement reposent sur la confiance
entre les parties prenantes et la prévisibilité de l'avenir. Alors que
l’État s'est donné pour mission d'être le garant de cette confiance et
de cette prévisibilité, le gouvernement fait usage de la terreur pour
imposer ses décisions.
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement ne cache plus ses menaces. Le recours à la nationalisation de Florange évoqué par Arnaud Montebourg n'est qu'un exemple parmi d'autres. Dans la même veine, de récentes déclarations de Cécile Duflot invitent l'archevêché de Paris à obtempérer de son plein gré – sinon, ce sera de force :
J’ai bon espoir qu’il n’y ait pas besoin de faire preuve d’autorité. Je ne comprendrais pas que l’Église ne partage pas nos objectifs de solidarité.Si l'archevêché refuse, non seulement, il y aura "besoin de faire preuve d'autorité", mais cela signifiera également que "l’Église ne partage pas nos objectifs de solidarité."
Ce recours de plus en plus fréquent à la menace – même au sein du gouvernement - relève d'une logique où le consentement n'a plus aucune valeur, et le gouvernement semble faire sien l'adage "la fin justifie les moyens". Or, dans un État de droit, tous les moyens ne sont pas permis : l’État est censé garantir la prévisibilité de l'application de la loi et l'exclusion de la contrainte du champ des relations humaines pour faire en sorte que ne règne pas la loi du plus fort. Au lieu de cela, le gouvernement agit en tribunal révolutionnaire, instituant progressivement "la loi du seul fort", c'est-à-dire du seul dépositaire de la violence légitime.
Les mesures d'exception fréquemment évoquées relèvent de la même logique, celle de la terreur, "peur collective qu'on fait régner dans une population pour briser sa résistance ; régime politique fondé sur cette peur, sur l'emploi des mesures d'exception." Le gouvernement offre un non-choix : coopérer, de gré ou de force. Il laisse toutefois le temps aux destinataires des menaces de "prendre leurs responsabilités", c'est-à-dire de donner l'illusion de leur consentement aux décisions qui leur sont imposées – avec des intentions toujours louables comme sauver des emplois ou loger des sans-abris.
Mais en forçant ses interlocuteurs à obtempérer, le gouvernement leur demande d'agir contre leur propre jugement, de rejeter leur jugement et leur libre-arbitre. Le recours à la force, à peine implicite, exige que celui qui le subit renonce à sa capacité de juger et de poursuivre ses propres buts, qui est pourtant le seul moyen qu'a l'homme de survivre. Il exige que les individus cessent de penser.
Ce qu'omet le gouvernement, c'est que les menaces n'auront jamais sur l'esprit qu'un pouvoir destructeur. On ne peut pas forcer l'esprit à concevoir, créer, produire ; on ne peut que le réduire au silence, et, ainsi, nier l'existence :
Penser est la seule vertu fondamentale de l'homme, celle dont toutes les autres procèdent. Et son vice fondamentale, la source de tous ses maux, est cet acte sans nom que chacun d'entre vous pratique, mais lutte pour ne jamais avoir à l'admettre : l'acte de museler son esprit, la suspension volontaire de sa conscience, le refus de penser – pas la cécité, mais le refus de voir ; pas l'ignorance, mais le refus de savoir. C'est l'acte de disperser votre esprit et de créer un brouillard en votre for intérieur pour échapper à la responsabilité du jugement – reposant sur l'idée tacite qu'une chose n'existera pas si vous refusez de l'identifier, que A ne sera pas A tant que vous ne rendez pas le verdict "C'est". Ne pas penser est un acte d'annihilation, un souhait de nier l'existence, une tentative de balayer d'un trait la réalité. Mais l'existence existe ; la réalité ne sera pas balayée, elle balaiera seulement celui qui tente de la balayer. En refusant de dire "C'est", vous refusez de dire "Je suis". En suspendant votre jugement, vous niez votre personne. Quand un homme dit "Qui suis-je pour savoir ?", ce qu'il dit est : "Qui suis-je pour vivre ?Ce que demande le gouvernement en recourant à la menace, c'est l'abandon du libre-arbitre et de la faculté de penser par soi-même. Il exige de ses interlocuteurs qu'ils renoncent à leur seul moyen de survivre et de vivre en être humain, les condamnant à obtempérer de gré ou de force. Sans s'en apercevoir, c'est toute la richesse de la France qu'il s'attelle à détruire : la capacité qu'ont les Français de penser. Heureusement, s'il peut les empêcher de suivre leur jugement, le gouvernement ne peut pas empêcher les Français de suivre une autre route.
Cela, à chaque heure et face à tout enjeu, est votre choix moral premier : penser ou ne pas penser, exister ou ne pas pensez, A ou non-A, entité ou zéro. (Ayn Rand, "For the New Intellectual")
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