TOUT EST DIT

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mercredi 5 décembre 2012

Les mains sales

Les mains sales

 
Fond du trou, honte de la jungle, il n'y a pas de mots pour résumer ça. Voilà où mènent le refus par la droite de tirer les leçons de son échec à l'élection présidentielle et son obstination à croire, contre toute évidence et dans un déni total de la réalité, que la victoire lui a été volée par la gauche. Quand elle n'est réduite qu'à elle-même, la politique devient ce grenouillage intestinal, source de renvois.
Après cette "élection" interne, digne d'une république bananière, la mort de l'UMP n'est certes que morale et provisoire, mais elle sanctionne une absence totale de principes, une pratique léniniste de la politique, quand la fin justifie les moyens, sur fond de prurit putschiste. Pour ce qui concerne le scénario, on ne saurait dire si c'est du Coppola ou du Scorsese, mais il est sûr que Tocqueville n'a rien à voir là-dedans et c'est précisément là que le bât blesse.
Il faut de tout pour faire un monde ou un parti, des tordus, des anges ou des imbéciles, mais quelques valeurs par-dessus ne nuisent pas. Oui, des valeurs, pardon d'avoir écrit ce mot vieillot avec lequel la droite gagnerait à se réconcilier après que, dans le passé, des personnages aussi dissemblables que Giscard, Barre ou Chirac s'y furent référés, au moins en certaines circonstances.
 
La politique n'est pas seulement une affaire de tactique où c'est le plus poutinien ou le plus machiavélique qui gagne. Pour l'avoir oublié, Copé est aujourd'hui chocolat. Moralement, s'entend. S'il n'avait rien à se reprocher, il aurait laissé Juppé, le Commandeur de l'UMP, mettre son nez dans les additions de son appareil, mais non. En refusant cette médiation et en se retranchant derrière une commission des recours à sa botte, ne signe-t-il pas sa faute ? Sans doute les consciences pures, à force de se laver les mains pour les garder bien propres, se retrouvent-elles un jour sans mains, comme aurait dit Péguy. Mais quand ces mains ne sont pas nettes, elles n'inspirent guère, pour dire les choses poliment.
À moins de se résigner à marcher à cloche-pied durant les prochaines années, la France a besoin d'une droite énergique, d'autant plus énergique que la gauche est au pouvoir. Pour la suppléer ou se substituer à elle, ce n'est pas le parti de Borloo qui fera l'affaire : il flotte au-dessus de lui un délicieux fumet de ratatouille. Pour l'heure, il n'y a donc pas d'autre alternative à l'UMP que l'UMP.
Alors que les croque-morts s'affairent déjà dans sa chambre funéraire, il reste au premier parti d'opposition un remède qui, bien sûr, le sauvera : élever le niveau en se repensant et en se refondant, ce qui serait quand même la moindre des choses après cinq ans de déculottées électorales. C'est à cette condition que la droite française reprendra enfin confiance en elle-même.
L'exercice est certes plus fatigant que de psalmodier sans cesse les mêmes formules à l'emporte-pièce, mais la droite doit mettre à profit ces années d'opposition pour se réinventer au lieu de singer le Tea Party américain et de répéter ses bêtises comme un perroquet du Gabon. Par exemple, il ne serait pas inutile qu'elle se demande pourquoi, après dix ans de pouvoir, elle a laissé l'économie française en si mauvais état. "Être de gauche, disait drôlement feu notre ami André Frossard, ça permet de gouverner tranquillement à droite." "Être de droite, ajoutera-t-on perfidement, ça permet de gouverner tranquillement à gauche." En matière d'endettement et d'augmentation des dépenses publiques, est-on vraiment sûr que Mélenchon et Aubry réunis auraient fait pire que la droite au pouvoir ?
Ce qui se passe aujourd'hui à droite est une tragi-comédie qui nous renvoie au marécage où nous pataugeons tous, dans un pays où le cynisme en politique a été érigé en qualité suprême. Quand rien ne vaut rien, tout se vaut. L'éthique et le déshonneur, la rigueur et la voyouterie.
Mais ce qui se passe à droite est aussi un épiphénomène qui, dans quelques années, aura laissé à peu près autant de traces que l'écume des vagues, engloutie par le sable, sous un soleil d'été.
En attendant, Fillon aura démontré qu'il avait le nerf et le coffre nécessaires à qui guigne l'Élysée. Copé a même réussi à lui donner la rage qui lui manquait.
Quant à Copé, qui est parti pour être président à vie de l'UMP, et même encore après sa mort, il aura tôt fait de remonter sur son cheval pour d'autres aventures, tandis que Juppé continuera de sculpter sa figure de grand sage et que la nouvelle génération (Wauquiez, NKM, Baroin, Pécresse, Estrosi, Le Maire...) déploiera ses talents en préparant l'avenir. Sans parler de Nicolas Sarkozy, prêt à jouer l'homme providentiel : sur le papier, il a un boulevard devant lui.
Le ridicule ne tue pas, en tout cas jamais longtemps. L'amoralité non plus. C'est dire si l'UMP n'est morte que pour deux ou trois ans, et encore, quand elle se sera guérie de ses pulsions schismatiques. N'en déplaise aux confrères qui l'ont publié, son acte de décès est très prématuré.
Les partis sont comme les politiciens. C'est quand on les croit morts qu'ils renaissent de leurs cendres.

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