mercredi 5 décembre 2012
Que les autres investissent en France, c’est bien, que la France investisse, c’est encore mieux
Si le protectionnisme et
l’interventionnisme étatique ambiants peuvent bousculer l’attractivité
du territoire français, il n’en demeure pas moins que la France reste
une terre d’investissements étrangers, même si la tendance n’est pas
positive, et pourrait même se dégrader lorsque sera fait le bilan 2012.
Pour l’instant, sur la dernière année complète
2011 (rapport de l’Agence française pour les investissements
internationaux), l’Europe accueillait 29% de l’investissement étranger
créateur d’emplois, et la France, en accueillant 40 milliards
d’investissements directs étrangers, se plaçait en seconde position
derrière le Royaume-Uni… avant de céder cette place à l’Allemagne dans le courant 2012 selon l’étude Ernst&Young.
Les
investissements, qui restent élevés en valeur absolue, peuvent certes
être réconfortants et nous encourager à ne pas nous livrer outre mesure à
une habitude masochiste envers notre propre pays, mais ils ne doivent
pas masquer la tendance négative et inquiétante qui se dessine au fil
des années. Le risque est alors que la France ne soit tout simplement pas perçue comme une valeur montante,
en bonne adéquation avec la nouvelle donne économique, capable de
valoriser des atouts sûrement trop considérés comme des acquis
immuables.
La difficulté à se réformer, à s’ouvrir
sur le monde, et à bâtir une vision et une stratégie de long terme
plutôt qu’une série de réactions coups de poings, risque de devenir un
handicap structurel.
Ceci est d’autant plus
paradoxal que la France est d’ores et déjà un pays largement ouvert,
sans doute davantage qu’on ne le croit, ou, surement pour certains,
qu’on le voudrait : le stock des investissements étrangers
rapportés au PIB s’élève à près de 40% en France, c’est moins qu’au
Royaume-Uni (près de 50%), mais c’est deux fois plus qu’aux Etats-Unis
ou qu’en Allemagne. Les investissements « non-résidents »
détenaient 43% du CAC 40 fin 2011. Ces entreprises « étrangères »
implantées en France assurent 31% des exportations françaises, emploient
près de 2 millions de personnes, soit 13% de l’effectif salarié, et
même 25% des salariés du secteur de l’industrie (31% du chiffre
d’affaire de l’industrie française). Les exemples sont légions d’actifs
français détenus par des étrangers. On peut légitimement s’en émouvoir, on peut aussi se féliciter de l’attractivité de ces patrimoines économiques et culturels.
On peut aussi rappeler, comme le faisait fort justement François
Chérèque en mars 2011 à propos de la prise de contrôle de Yoplait par
General Mills que "l’important n’est pas la nationalité du fonds qui rachète Yoplait mais son comportement !". Oui, ce n’est pas la nationalité du propriétaire qui définit sa politique sociale.
En
outre, tout ne doit pas être focalisé sur l’industrie, la tendance est
ailleurs, y compris en terme d’investissements étrangers. Selon l’agence
française Invest-in-France, ce sont les activités à forte
technologie et valeur ajoutée qui attirent de plus en plus les
investissements étrangers sur le territoire. Dans ces domaines,
la tendance est positive. D’ailleurs, même en terme d’industrie, tout
ne doit pas être focalisé sur des sites industriels comme Florange ou
Gandrange, ils ne résument, ni ne sont, l’avenir (ou même le rêve)
industriel français (cf édito du mardi 3 avril 2012).
Tout ne doit pas non plus être focalisé sur
les investissements étrangers en France : les investissements français à
l’étranger sont tout aussi importants : si plus de 20 000
entreprises étrangères sont présentes en France, 30 000 entreprises
françaises ont une implantation à l’étranger. Ces implantations
françaises à l’étranger sont systématiquement vues comme des
délocalisations, mais c’est aussi la capacité des entreprises françaises
à conquérir des marchés étrangers. La marque France ne se
résume pas au made in France (qui n’est d’ailleurs pas toujours fait par
des entreprises françaises comme je le rappelais plus haut), c’est
aussi le made by France
qui s’implante sur des marchés étrangers. Il y a comme un paradoxe à
vouloir à tout prix défendre le territoire France comme une terre
d’investissements et d’avenir, et simultanément à vouloir s’en protéger
et à voir d’un bien mauvais œil la performance de « nos » marques sur
certains marchés mondiaux. La France ne peut pas être forte sur notre sol domestique si elle n’est pas forte dans le monde.
La
réciprocité et l’équilibre, c’est considérer que l’avenir de la France
passe, aussi, par l’étranger, et donc, l’affreux mot, par la
mondialisation. Le renouveau du secteur automobile français
passera sans doute à la fois par l’innovation (et le design s’il vous
plait) via de nouvelles technologies rupturistes économes en énergie,
par des offres aux positionnements prix attractifs, et par la capacité à
s’exporter vers un marché européen, et surtout français, atone.
La
plupart des pays s’enorgueillissent de voir leur économie conquérir le
monde, nous nous lamentons de les voir conquérir notre économie.
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