Assez ri. On est dimanche, mais vous avez assez dormi ! Et pour se
réveiller vigoureusement, je vais vous préparer un bon HADOPI potage aux
vrais morceaux de Lescure, avec de la purée de Filippetti, et une bonne
tartine d'artistes zengagés qui réclament des choses. Vous allez voir,
c'est comme la vodka que la Polonaise prenait au petit déjeûner : ça
requinque. Les cinq premières minutes.
Cela faisait plusieurs semaines qu'on n'avait pas entendu parler
d'une de ces affolantes bêtises gouvernementales lancées à grands frais
pour justifier l'existence d'une brochette de parasites cultureux.
Heureusement, avec la mise en route du site oueb-deux-zéro de la Mission Lescure,
ce silence est oublié, et la France s'est enfin dotée d'un groupuscule
d'intellectuels qui vont réfléchir à un vrai problème de société :
fournir - enfin ! - des dispositifs d'action publique permettant de favoriser le développement des œuvres et des pratiques culturelles numériques, l'accès de tous à ces pratiques, le soutien à la création et à la diversité et la lutte contre la contrefaçon commerciale.
Oh, que voilà du roboratif ! On dirait ... On dirait ... On dirait
encore une intrusion de l’État dans la vie des internautes avec la
délicatesse habituelle d'une Panzer Division du gouvernement.
D'ailleurs, à propos de délicatesse, on trouve essentiellement dans le "descriptif" de la "mission" des phrases produites au kilomètre comme des saucisses industrielles, à l'instar de celle-ci :
Eh oui : pour les comptes en banques vides des ouvriers licenciés, pour les mal-logés et les mal-nourris, pour lutter contre la crise, une seule solution ! Un grand bol de HADOPI potage. Ça requinque, je vous dis ! Autrement dit, et une fois nettoyé le jargon virevoltant de politicien, la mission Lescure, c'est un énième furoncle qui s'ajoute à la gangrène généralisée de la LOPPSI, la DADVSI, la HADOPI et tout le reste, dans le but parfaitement limpide de déverser une nouvelle benne ou deux de recommandations, de lois et de décrets qui viseront à"Face à la crise économique et financière, plus que jamais les citoyens ont besoin de la culture."
Rien que sa tronche est une insulte à la culture.
Et on le comprend : c'est très dommage que ne veuillent pas participer à cette belle "mission" tous ces gens qui sont, finalement, des acteurs majeurs du numérique, alors que la ministre de tutelle, Aurélie Filippetti, a bien expliqué qu'elle voulait pourtant que, je cite, cette mission, "soit la plus publique, ouverte et multiforme possible. C'est pourquoi les débats ne seront pas à huis-clos, ne seront pas parisiens et pas non plus exclusivement franco-français". Oui, vous avez bien lu : elle innoverait en ouvrant des débats, et elle innoverait en les ouvrant même aux étrangers, ce qui est intéressant sur deux points. Le premier, c'est qu'on peut avoir un débat tout à fait ouvert, mais si, en conclusion, on ne garde que la partie qui nous est favorable, le débat n'aura servi à rien. Comme cela s'est toujours passé ainsi depuis que le gouvernement s'occupe des affaires du citoyen (et pas seulement sur internet), il y a fort à parier sur une fin en jus de boudin de cette Mission Lescure. Et on n'aura même pas besoin d'attendre l'issue "Jus De Boudin" quant au second point (étaler le débat au-delà du nombril franco-français du monde) tant il démontre encore une fois les désirs aussi humides que ridicules d'universalisme d'une intelligentsia gouvernementale à la ramasse ; cela fait des décennies que ces bêtises durent, alors un peu plus, un peu moins, on n'y prête même plus attention.
Et tant qu'à ne plus se formaliser pour l'une ou l'autre bêtise, ne mentionnons pas le fait un tantinet étrange de confier la garde du rôti au copain du chat. Parce que bon, si l'on peut admettre que l'aimable Pierre Lescure n'est pas, à proprement parler, directement impliqué dans les majors du cinéma et de la musique, il les connaît particulièrement bien, et s'y est fait pas mal d'amis. Il le reconnaît lui-même puisqu'il estime que c'est un atout, là où n'importe qui d'autre y trouverait surtout un conflit manifeste d'intérêt. Et lorsqu'on s'enquiert des intervenants aux auditions qu'il va présider, on y découvre en vrac les bibliothécaires, Google, Free, Dailymotion, la SACD, et pas l'association de défense des consommateurs UFC-Que choisir et la Quadrature du Net qui ont donc, comme on l'a précisé, compris que tout ceci n'était, encore une fois, qu'une parodie de débat dont les conclusions (plus de régulation pour internet) sont déjà écrites.
Bref, l'affaire est, bien malheureusement, déjà entendue : "home taping is killing music" et tout ça, et sous prétexte de lutter contre la méchante copie, on va te me coller des petites surveillances un peu partout, à côté desquelles les pires cauchemars orwelliens auront l'air d'une aimable plaisanterie.
J'exagère ?
Sérieusement, vous pensez que j'exagère et vous vous dites : "Naaaan, ils n'oseront pas, parce que vouloir museler le Net, c'est tout de même visible et très contreproductif pour tout le monde. Et puis, ce sont des grands démocrates, ces gens là, hein !" Sans compter l'argument imparable de la socialitude mamouresque à bisoux latéraux omnipotents : "Enfin, avec un gouvernement socialiste donc gentil au pouvoir, rien de fâcheux ne peut nous arriver."
Et là, je sors ma carte CleanIt, je ne relance pas les dés et je sens que je vais aller tout droit en prison sans toucher 20.000...
Tout comme ACTA dont on n'a péniblement entendu parler qu'après bien des mois de palabres à force de pousser les médias traditionnels dans leurs retranchements sordides, tout comme INDECT dont, à ma connaissance, tout le monde se tamponne le coquillard (notamment dans les rédactions pouilleuses d'une presse française en catatonie subventionnée), vous n'avez probablement pas entendu beaucoup d'informations sur CleanIt.
Contrairement à ce qu'on pourrait croire avec un site généreusement badigeonné de drapeau européen, ce n'est pas l'un de ces projets impulsés par la Commission Européenne qui, pour cette fois, n'y est pour rien. Il s'agit bien d'un projet au niveau européen, mais directement géré d’État à État, et au départ lancé par les Pays-Bas, rapidement rejoint pour ce genre de découpage des libertés civiles par l'Allemagne, la Belgique, l'Angleterre, l'Espagne, le Danemark et d'autres tout joyeux à l'idée de museler quelque peu le réseau international.
Museler n'est pas trop fort : le document suivant détaille ce que CleanIt propose pour lutter contre les méchants terroristes de l'Internet, qui, pour rappel, vont des salopards qui font de la traite de blanches aux ordures islamistes poseurs de bombe en passant par les raclures pédonazies et autres rognures de copieurs de films de Sony et de musique de Lady Gaga, de loin les plus terribles.
On trouve ainsi, en anglais certes mais parfaitement lisible et sans ambiguïté, l'idée de mettre en place les contrôles nécessaires pour bannir tout "contenu terroriste", charge aux États membres de cette organisation de censure de définir ce que "contenu terroriste" veut dire. On imagine déjà un texte légal croustillant à rédiger, puis à faire appliquer.
Plus loin, on envisage de criminaliser le fait de fournir des services internet à un groupe terroriste, puisque cette fourniture serait alors qualifiée "d’aide économique (…) et serait donc un acte illégal". Je passe rapidement sur l'obligation qu'auraient les sociétés soumises aux nouvelles lois de n'enregistrer leur client internet qu'avec leur vraie identité, donnant ainsi une base légale à Facebook pour attaquer tout salopard qui oserait se cacher derrière un pseudo pour émettre -- par exemple -- des opinions politiques déviantes.
C'est-y pas génial, ça ?
Alors quand je dis que Lescure, comme les autres, avec leur mission trucmuche et leur Hautotorité à la noix, sont simplement en train d'agrafer au sol le tapis rouge et de disposer les plantes vertes décoratives pour l'arrivée en fanfare de ce genre de mesures parfaitement liberticides et totalitaires, non, je n'exagère pas.
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