TOUT EST DIT

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mardi 28 août 2012

Le piège de l’antisarkozysme

Tout a déjà été dit sur l’antisarkozysme revendiqué et affiché par Hollande. Le joli coup de com, c’est évident, est à mettre au crédit de celui (ou celle) qui a sorti le premier cette « normalitude ». Destinée d’abord à contrer un DSK symbole d’une gauche (franchement) décomplexée avec le capitalisme, elle a merveilleusement marché contre Sarko.
DSK, depuis sa nomination au FMI, c’est l’ami des puissants, c’est l’argent décomplexé, ce sont des spin doctors en pagaille affichés et connus de tous, c’est une femme célèbre, belle et riche à millions, c’est un Ryad archi luxe à Marrakech propre à sceller les petits arrangements entre amis-ennemis socialistes, c’est un hôtel particulier Place des Vosges à Paris… Bref, la normalité affichée du candidat en scooter, issu d’une terre agricole, la Corrèze, le copain des élus locaux, c’est l’arme absolue anti-DSK.
Et puis, pourquoi le taire, si jamais ça passe, cette normalité fera un bel argument anti-Sarko, lui qui est qualifié comme l’ami des riches et des puissants. C’est une trouvaille de com’ puisqu’elle permet de valoriser une faiblesse. En marketing, tout produit à des forces et des faiblesses (par rapport à ses concurrents). Lorsque la communication est saisie d’une problématique, elle doit mettre en avant les qualités tout en minimisant les défauts du produit promu. L’objectif est atteint lorsque vous parvenez à retourner une caractéristique, autrement dit à faire d’une faiblesse un avantage. Dans ce registre, un produit ringard devient authentique… Une technologie méconnue est jugée avant-gardiste… Un service mal compris est audacieux… Le marketing et la communication regorgent de techniques visant à appeler un chat un … chien !
Ainsi du candidat PS en 2012, à l’allure bonhomme de sous préfet rural de la IV°, petit salarié de la république, stratège mais incapable de la moindre pensée structurante, habile mais dépourvu de toute vision mobilisatrice… Pour lui, le plan marketing a fonctionné à plein : Il n’a aucune expérience significative ? Normal, il est normal ! Est-ce que votre voisin de palier a été ministre, vous ? Même secrétaire d’état ? Non, bon alors…. Il n’a aucun charisme ? Normal, il est normal ! Et puis ça sert à quoi le charisme, hein, franchement…. ? Souvenons-nous, au passage, de sa posture « anti communicant » par rapport au président sortant… De l’antithèse jusqu’à la caricature … de lui-même.
1. Vous vous souvenez de Air Sarko One ? Terminé : Mr Normal prendra le train. Peu importe si les trajets par rail sont plus risqués et finalement plus coûteux puisqu’un avion doit se rendre à la destination du président pour le ramener à Paris en cas d’urgence.
2. Vous vous souvenez de la fête au Fouquet’s ? Oublié : Mr Normal sera en Corrèze. Peu importe le coût des jets privés (au nombre de 3) pour rentrer à Paris et faire la fête à la Bastille.
3. Vous vous souvenez de l’augmentation du salaire du président Sarko (pour l’aligner sur celui du PM et le rendre transparent) ? Fini : Mr Normal le réduit de 30%, ainsi que celui des ministres. Peu importe si le gouvernement Ayraut I est plut coûteux que le Fillon I du fait d’un nombre exorbitant de ministres (34 ministres vs 15).
4. Vous vous souvenez de l’activisme un peu brouillon d’un « Sarko tout puissant » ? Terminé : Mr Normal ne décide de rien, il crée des commissions, il consulte, il discute. Peu importe si la situation exige des décisions courageuses : l’urgence attendra !
On pourrait multiplier les exemples. Malheureusement pour lui, notre nouveau président va vite être rattrapé par ce qu’il est convenu d’appeler la Real Politik… Ou le principe de réalité, si on est expert en Marketing. Bref, une sorte de rappel à l’ordre par la réalité des choses par rapport à des postures intenables.
« Moi Président, je ne serai pas le chef de la majorité » : Manque de pot, il apparait sur un tract de son ex, Ségolène Royal, en campagne pour les législatives de La Rochelle contre un dissident PS. Le président prend donc bien part à la petite cuisine interne du PS… Le 12 juin, le tract de second tour de Royal comprend un encadré avec la photo de notre président des bisous : « Dans cette circonscription de Charente-Maritime, Ségolène Royal est l’unique candidate de la majorité présidentielle qui peut se prévaloir de mon soutien et de mon appui ».
« Moi président, je ne recevrai pas de dictateur à l’Elysée ». Dommage, le 23 juillet, il apparait sur le perron du Palais avec le Sultan du Bahrein, Hamed ben Issa Al Khalifa, qui réprime pourtant depuis un an une révolte de son peuple en lui envoyant l’armée… Signalons que cette rencontre, officielle, n’a pas été inscrite dans l’agenda de Élysée, un oubli sans doute ; comme celui qui a conduit le service de presse du Palais de ne pas inviter le moindre journaliste français.
« Moi président, je n’aurai pas autour de moi de personne jugée ou condamnée ». Dommage, le premier d’entre eux, Ayrault, a été condamné en tant que Maire de Nantes pour favoritisme dans l’attribution d’un marché public… Il a été blanchi par la suite, donnant une nouvelle fois du sens à ce formidable concept né avec Georgina Dufoix : « Responsable mais pas coupable ». De même, le flamboyant Montebourg, Ministre de l’Industrie rebaptisé « ministre du redressement productif »… a été condamné par la justice française pour injure aux dirigeants de l’entreprise SeaFrance, les ayant qualifiés d’escrocs. Un ministre peut donc insulter tranquillement des patrons et être condamné pour ça. Normal.
Là encore les exemples ne manquent pas. Et parions que d’ici la fin du quinquennat, chaque assertion de l’anaphore hollandaise aura été contredite dans les faits, quelques soient les efforts du pouvoir et des journalistes pour éviter d’en parler.
Cet antisarkozysme atteint une forme de paroxysme complètement psy le soir du second tour. C’est une « révélation » du livre de Binet qui a suivi la campagne du désormais président normal… livre qui par ailleurs semble ne pas passionner les foules en cette rentrée littéraire. Mais peu importe. Le soir des résultats donc, la nouvelle 1° journaliste de France demande à une poignée de fidèles quelle revanche ont-ils pris avec cette victoire. Ce qui témoigne d’ailleurs d’une curieuse conception du combat démocratique : une victoire serait donc forcément, selon elle, une revanche sur quelque chose ou quelqu’un. Hollande répondra sobrement : « Sarkozy ».
L’antisarkozysme : une grille d’évaluation de l’action du gouvernement ? Ce que les communicants n’ont pas vu venir, ou n’ont pas anticipé, c’est que cet antisarkozysme comme colonne vertébrale à l’action va en fait se révéler un piège redoutable dans l’exercice des responsabilités. En effet, certains pensent encore que le président sera jugé au prisme de son prédécesseur. Que les français, ébranlés par l’activisme de Sarkozy, lui seront gré de ne pas les brusquer. Et qu’ils apprécieront le temps laissé au temps… quelque soit le degré d’urgence des décisions à prendre. En fait, tout se passe comme si l’antisarkozysme érigée en méthode de gouvernement était la meilleure garantie contre l’impopularité, une sorte d’assurance tous risques contre la déception. Et dès cette fin de mois d’août, c’est exactement l’inverse qui se passe.
En effet, le dernier baromètre CSA- Les Echos (23/08) est alarmant pour le pouvoir. Non seulement, 100 jours après son élection, le président passe pour la 1° fois le plancher de 50% de satisfaits de son action (49% exactement). Les français se déclarant satisfaits chutent de 5 points par rapport au mois précédent, les insatisfaits augmentant d’autant (de 42 à 47%). C’est l’expression d’un jugement sévère des français. Une position d’attente des sondés face aux difficultés et une relative clémence de leur jugement de l’exécutif se seraient manifestées certes par une baisse de la côte de confiance mais surtout pas une hausse significative des « NSP ». Or ici, il s’agit bien de déception : « j’étais confiant, je ne le suis plus ».
Mais l’essentiel est ailleurs. Et c’est finalement la vraie leçon de ce baromètre, qui se révèle être une bombe. Toute la méthode, et donc la posture de l’exécutif, se trouve être balayées par une donnée, une seule. Les français, dans une écrasante majorité (72%), jugent le gouvernement « pas assez actif » en cette rentrée face à la crise. Un chiffre qualifié d’ « impressionnant » par Bernard Sananès, président de CSA.
En quoi ce chiffre est alarmant s’il venait à être confirmé dans les enquêtes à venir ? Parce qu’il donne un éclairage sur la manière dont les français jugent l’action du nouvel exécutif. Loin d’être le repoussoir espéré, l’activisme sarkozyste semble avoir marqué l’opinion et donne aujourd’hui une dimension positive au président battu. Tout se passe comme si les français pensaient qu’« au moins, Sarko, il faisait des choses, il se battait, il prenait des décisions ». De ce fait, l’action du président actuel est jugé à « l’image rémanente » qu’ont les français du début du quinquennat précédent. Les réformes de fond : service minimum, universités, TEPA, les infirmières bulgares, l’initiative en plein été en direction de la Russie pour éviter une escalade violente en Géorgie…
Les souvenirs sont en train de s’équilibrer dans l’inconscient collectif français, et face à la situation d’urgence que vit le pays et l’Europe, le peuple n’apprécie guère de voir son président en maillot de bain dans les eaux bleues des plages varoises de Brégançon, ou en terrasse, s’affichant si normal, en polo et buvant son Perrier. En ce sens-là, la séance « le Président normal en vacances » de Paris Match va se révéler dramatique pour lui. Elle marque en réalité la fin de la séquence du président normal. Les français lui disent : « OK, on a compris, c’était sympa. Mais tu as voulu les clefs, on te les a données. Maintenant, tu fais quoi avec ? » Les français ont joué le jeu de l’apaisement et du symbole pendant 100 jours. Mais l’heure des comptes est déjà venue !
Car derrière ce chiffre de 72%, c’est toute la méthode de gouvernement du tandem Hollande-Ayrault, avec la concertation plutôt que la décision, qui semble s’effondrer. Si ce chiffre venait à se confirmer, c’est la stratégie de communication et finalement toute la gouvernance de l’exécutif qui s’écroule. Cela voudrait dire que le souvenir de Sarkozy s’équilibre dans la tête des français (ce qui a toujours été le cas des ex-présidents). Et que l’antisarkozysme ne sera en aucun cas une grille de lecture de l’action de l’actuel gouvernement. En clair, démolir son prédécesseur aura été tactiquement bien joué pour lui prendre son fauteuil mais cela ne suffira pas pour conduire le camion. Alors le président et le gouvernement seront condamnés à une impopularité record tant dans son niveau que la rapidité avec laquelle elle sera atteinte. Quand on connait la marge de manœuvre d’une part et l’appétence de nos actuels gouvernants pour décider d’autre part, on peut se faire du souci pour notre « petit père Hollande. »

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