TOUT EST DIT

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jeudi 5 juillet 2012

Face à Ayrault, une droite sous influence

Pour l’instant, la gauche impose son agenda à l’UMP

Le comportement des députés de droite lors de la déclaration de politique générale de Jean-Marc Ayrault (lazzis, grimaces, bras levés au ciel etc.) était sans doute destiné à montrer aux Français que, loin d’être abattue, la nouvelle opposition allait mener la vie dure au nouveau pouvoir. On peut douter que le spectacle de cette agitation à l’écoute d’un discours catalogue sans surprise et dénué du moindre lyrisme, ait fait marquer des points pour l’UMP et ses alliés dans une opinion encore bienveillante envers le président de la République et son Premier ministre. En se montrant collectivement agressive pour la galerie, cette droite parlementaire voulait également démontrer que « la guerre des chefs » pour la présidence de l’UMP déclenchée dès le lendemain de la défaite électorale du 17 juin n’entamait en rien sa cohésion face à la gauche victorieuse. Elle se voulait ainsi la digne héritière de ces gaullistes historiques qui, selon l’expression du regretté Robert-André Vivien1, étaient tels une meute de loups, qui se déchirent entre eux, mais chassent en  meute. Un chahut collectif peut, certes, faire oublier un instant les tensions, rivalités, inimitiés qui font l’ordinaire de la vie d’une classe de collège comme celle d’un parti politique, mais il ne saurait tenir lieu de discours destiné à gagner la confiance du peuple.
Dans ce domaine, c’est plutôt la cacophonie qui règne, car les principaux dirigeants de l’UMP se déchirent sur le passé récent, notamment sur la manière dont a été menée la campagne de Nicolas Sarkozy. A la différence du débat au sein du PS lors des primaires, qui portait sur des choix d’avenir, celui qui s’ouvre pour l’élection du président de l’UMP se limite, pour l’instant, à un règlement de comptes entre ceux qui assument la ligne suivie lors de la campagne présidentielle (Jean-François Copé) et ceux qui dénoncent aujourd’hui la prétendue « droitisation » de cette campagne incarnée par le sulfureux conseiller Patrick Buisson (NKM, Roselyne Bachelot, Chantal Jouanno). François Fillon reste prudemment hors de cette polémique, mais n’interdit pas à ses partisans d’y mettre leur grain de sel. Quant à Alain Juppé, sa posture de vieux sage qui garderait la maison jusqu’à la désignation du candidat à la présidentielle de 2017 le contraint à tenir un discours rassembleur pour ne vexer personne.
Ce type d’affrontement n’est pas de nature à doter la droite française d’un corpus idéologique et programmatique se fondant sur une analyse approfondie du quinquennat écoulé, de ses réussites (oui, elles existent) et de ses échecs. On observe, pour l’instant, aucune autonomie de pensée dans cette droite déboussolée, sommée chaque jour de s’expliquer sur des thèmes que lui impose la gauche politique et médiatique comme la « droitisation » de l’UMP et la tentation d’alliance avec le Front National. Lancer, comme le propose J.F. Copé, un débat sur les «  valeurs » de la droite républicaine, c’est aussi céder aux pressions de cette même gauche qui met constamment en cause la vertu républicaine de l’autre camp.
D’ailleurs, pourquoi un parti politique devrait-il être producteur de valeurs qui le distinguent des autres ? La droite, comme la gauche, rassemblent des individus dont les convictions éthiques peuvent diverger sur des questions dites « sociétales» (avortement, mariage gay, euthanasie). S’il s’agit de s’approprier de manière partisane un patrimoine commun (la Nation, le drapeau, la laïcité etc.), il faut que soit déniée au camp d’en face la légitimité à les incarner, donc à transformer l’adversaire politique en ennemi à abattre. Ce que la gauche a parfaitement su faire en utilisant à son profit l’antisarkozysme viscéral distillé pendant cinq ans par une classe politico-médiatique majoritairement acquise à cette cause.
La droite ne reviendra pas au pouvoir parce qu’elle aura mis en ordre ses « valeurs ». Le peuple ne veut pas d’un pouvoir qui vous fasse la morale, mais d’un gouvernement qui agisse avec lucidité et compétence dans une époque où les idéologies d’hier ne sont d’aucune utilité pour naviguer en temps de crise.
Traditionnellement, la droite était créditée d’une plus grande compétence économique que la gauche, réputée dépensière. On lui faisait également plus confiance sur les questions de sécurité face à une gauche supposée laxiste dans ce domaine.
Or, aujourd’hui cet avantage  n’est plus aussi évident, car la gauche a tiré les leçons du 21 avril 2002. Le programme économique de François Hollande peut être qualifié de « blairiste », même si ce terme est rejeté avec horreur sur les bancs socialistes. L’orientation donnée par Manuel Valls au ministère de l’Intérieur ne laisse pas beaucoup de champ à une critique de la permissivité d’une gauche inspirée par les sociologues habituels de la culture de l’excuse.
La droite devrait donc se soucier prioritairement de reconquérir ce capital de confiance dans ces deux domaines essentiels. Comment ? En ne se laissant pas intimider par les anathèmes de la gauche : non, le libéralisme n’est pas un gros mot et la droite serait dans son rôle en proposant plus de liberté et moins de contraintes aux acteurs de l’économie nationale. Le discrédit dont souffre actuellement ce terme dans l’opinion à la suite de la crise des subprimes aux Etats-Unis ne pourra éternellement masquer que le libéralisme est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres, pour assurer le bien-être matériel des populations des pays avancés.
Elle doit également articuler un discours répondant à cette « insécurité culturelle » 2 ressentie par bon nombre de Français de toutes origines devant les formes prises par cette fameuse « diversité » des composantes de la société française. La présence de plus en plus visible d’un mode de vie islamiste dans nos villes inquiète, et faute d’une réponse adaptée à la complexité du problème, on laisse le champ libre aux démagogues. L’affirmation républicaine, le refus des quotas, l’affirmation des limites à ne pas franchir dans la « différenciation » pourraient constituer les piliers d’un discours de droite crédible sur cette question.
Le futur chef de la droite, quel qu’il soit, ne pourra pas faire l’économie de ce qui fait l’honneur de la politique : mettre des idées en mouvement dans la société, et se donner les moyens de les mettre en œuvre.
  1. Robert-André Vivien (1923-1995) député gaulliste du Val-de-Marne de 1962 à 1995. Il était célèbre pour la qualité de ses interruptions des orateurs à l’Assemblée nationale
  2. Expression inventée par le politologue Laurent Bouvet.

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