Après le rapport de la Cour des comptes, la déclaration de politique générale et la présentation du projet de budget rectifié, Jean-Marc Ayrault a terminé une longue séquence consacré au budget en étant interviewé mercredi sur le plateau du 20h de TF1. Sur le fond, puis sur la forme, l'avez-vous trouvé convaincant ?
Premier ministre est toujours mis en avant au moment du discours de politique générale. Mais là, il était seul sur le devant de la scène pour annoncer les premières mesures gouvernementales et encore en vedette mercredi soir à la télévision. Le message recherché était celui du « retour à la norme » du fonctionnement de la Ve République : au Premier ministre, chef de la majorité, les questions intérieures et quotidiennes ; au Président, l’international, la crise de l’euro, les grands « domaines réservés ». Et, pour marquer symboliquement cette répartition des tâches, Hollande, chef des armées, a choisi hier de faire une visite surprise au sous-marin nucléaire « Le Terrible », tandis qu’Ayrault était à Paris sur le dossier de la crise économique française. Un contraste d’image moins dû au hasard qu’à une communication bien réfléchie.
Aux Français de dire s’il a été convaincant. En tout cas, il s’est efforcé de rassurer les « classes populaires » et les « classes moyennes » (« les efforts sont justes »), mais aussi de montrer qu’il tenait fermement le gouvernail de la politique française. C’était une opération « pédagogie », justifiant ses choix (mot plusieurs fois utilisé) : gouverner, c’est choisir ! Pas d’annonce particulière, mais la volonté d’affirmer une proximité avec la vie quotidienne des Français, comme l’indiquent ses propos sur le prix du gaz qui ne doit pas dépasser la hausse générale des prix.
Comment interpréter le fait que le Premier ministre n'utilise pas le mot "rigueur" ? Il est même allé plus loin en se déclarant "fondamentalement hostile à l'austérité".
Sur le fond, ne risque-t-il pas de se mettre à dos un certain électorat de gauche avec ces 7,2 milliards de hausse d’impôts ?
Mais, pour l’heure, deux catégories sont en jeu. La première est celle d’une frange d’ouvriers qui, bénéficiant jusqu’ici des heures supplémentaires défiscalisées, risquent de se retrouver privés d’une partie de leurs revenus. La seconde est celle des fonctionnaires. Là, la question fiscale n’est pas seule en cause : le blocage des traitements, la contraction des avancements, le non-remplacement des départs à la retraite dans les ministères non prioritaires risquent de produire beaucoup de mécontentement. Le gouvernement Ayrault pourra toujours dire que Sarkozy réélu aurait fait pire, beaucoup de fonctionnaires à petit revenu auront du mal à encaisser le coup.
Une politique de rigueur n’est jamais populaire, qu’elle soit de droite ou de gauche, et le thème de l’ « héritage » n’aura qu’un temps (six mois tout au plus). Or, d’ici fin 2012 au moins, les perspectives restent sombres (chômage, croissance…). Le pire pour un gouvernement n’est pas de proposer un plan de rigueur, mais de devoir en annoncer un deuxième, puis un troisième… Le « sérieux » se transforme alors en impuissance, et l’opinion fait payer les promesses de meilleurs lendemains après l’effort au prix
maximal de la défaite. On perd alors les élections parce qu’on a été abandonné par son électorat. La gauche l’a appris à ses dépens. On verra bientôt si elle en a tiré les leçons.
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