mercredi 4 juillet 2012
Ayrault, la harangue
Le discours de politique générale porte bien son nom : Jean-Marc
Ayrault n’est guère entré dans les détails budgétaires, hier devant
l’Assemblée. Plus qu’un programme, c’est une harangue qu’a livrée le
Premier ministre, exhortant à la « mobilisation » face à « une crise
sans précédent », vantant le « patriotisme » contre l’évasion fiscale,
jurant que les promesses de François Hollande seront appliquées quoi
qu’il advienne et n’oubliant pas de parler de la désindustrialisation,
qui continue de plus belle. Ton emphatique, piques contre l’héritage
laissé par l’équipe précédente, notamment les 600 milliards
d’endettement supplémentaires, serments de fidélité au couple
franco-allemand, parce qu’il faut se rabibocher avec Berlin. Rien
d’inattendu.
Le Premier ministre s’est longuement attaché à
décrire sa méthode, qu’il veut à l’opposé de celle de Nicolas Sarkozy.
Finies l’agitation et les réformes brutales et bâclées, vive la
concertation et le changement « dans la durée ». Il y a pourtant des
mots sur lesquels Jean-Marc Ayrault se montre parfaitement en phase avec
l’ancien chef de l’État : comme lui, il ne veut entendre parler ni
d’austérité, ni de rigueur. Les deux tabous absolus de la politique
française ont survécu au changement de majorité.
Cela n’empêchera
pas Bercy de présenter, dès aujourd’hui en conseil des ministres, un
budget rectificatif truffé d’économies, et de se creuser la tête dès
maintenant pour trouver les 33 milliards d’euros qui manqueront au
budget 2013. Jean-Marc Ayrault l’a dit, presque en passant : « La seule
maîtrise des dépenses ne suffira pas. » C’est une façon d’admettre que
les hausses des impôts iront bien plus loin que les taxes symboles sur
les riches annoncées pendant la campagne présidentielle. Et que les
dépenses devront être encore plus contingentées que prévu. Il faudra
nous expliquer comment Jean-Marc Ayrault compte s’y prendre pour
épargner, comme il le promet, les classes populaires et les classes
moyennes.
Dans le « Bourgeois gentilhomme » de Molière, Monsieur
Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Aujourd’hui il est de
tradition, à gauche comme à droite, de faire de la rigueur et de
l’austérité sans le dire. Ce sont pourtant des mots qui figurent dans
tous les bons dictionnaires.
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