Le mot qui me vient à l’esprit pour résumer les premiers pas
du gouvernement, c’est le mot public : service public, secteur public,
banque publique, entreprise publique, etc. Voilà la solution à nos
problèmes. En réalité, c’est cette obsession du secteur public, donc de
l’Etat, qui nous mène à la ruine.
Pour ce dernier article avant la trêve estivale, le mot qui me vient à
l’esprit pour résumer les « débats » des campagnes électorales et les
premiers pas du gouvernement, c’est le mot public : service public,
secteur public, banque publique, entreprise publique, etc. Voilà la
solution à nos problèmes ; un esprit malicieux ferait observer qu’on
peut aussi parler de dettes publiques ou de dépenses publiques, ce qui
est moins séduisant. En réalité, c’est cette obsession du secteur
public, donc de l’Etat, qui nous mène à la ruine.
La Banque publique d’investissement
Parmi les propositions phares de François Hollande, il y a le projet
de Banque publique d’investissement. Il paraît que cela va nous sortir
de la récession, car cette banque publique va financer les petites et
moyennes entreprises. C’est le fer de lance de la politique industrielle
et du « redressement productif » avec lequel Arnaud Montebourg nous
fait tant rêver. Notons que ce ministre a nommé 22 délégués au
redressement productif, un par région, de hauts fonctionnaires, qui,
comme chacun le sait, savent mieux créer des emplois et « veiller »,
comme l’a dit le ministre, que des entrepreneurs qui ont eu le tort de
ne pas faire l’ENA.
On ne savait pas que la France manquait de banques et que celles-ci
étaient incapables de financer les entreprises. Mais sans doute le
gouvernement pense-t-il que les banques privées ne savent pas quelles
entreprises financer et prêtent à n’importe qui, en finançant
stupidement les entreprises rentables, au lieu de soutenir les canards
boiteux ou les entreprises dont un organisme central a indiqué
l’utilité. Il est sûr qu’une banque publique d’investissement va savoir
déceler les vrais projets à financer, sans se soucier de broutilles
telles que leur rentabilité.
Le gouvernement a avancé un argument imparable : pallier les
défaillances du marché. Car bien sûr ni la bourse, ni les banques ne
songent à financer l’industrie ! On commencera fort modestement : 20
milliards de dotation au départ, grâce au doublement du plafond du
livret de développement durable. On se demande par quel mystère toutes
les économies de marché du monde ont pu se développer sans banque
publique d’investissement. Mais la France va réparer cet oubli, et
renouer avec la tradition de la banque soviétique Gosbank.
Le Fonds stratégique d’investissement
Tout cela est d’autant plus étonnant que nous disposons déjà du plus
gros établissement financier français, la Caisse des dépôts,
établissement public, qui détiendra avec l’Etat le capital de cette
banque : public plus public, ça reste public. Mais nous avions aussi le
« Fonds souverain à la française », le FSI (Fonds stratégique
d’investissement), qui prétendait déjà jouer un rôle de ce type, avec le
succès que l’on sait. Bref, on ajoute du public au public, pour
financer ce que d’habiles fonctionnaires auront décidé être les
priorités de notre économie. Quand on connaît les échecs passés de nos
politiques industrielles, on peut être sceptique.
Mais les banques publiques s’accompagnent d’entreprises publiques.
Comment est-ce possible, puisque le gouvernement « ultralibéral »
précédent avait tout privatisé ? Justement, il ne devait pas être si
libéral que cela, puisque le secteur public français reste le plus
important des économies de marché. La plupart des « services publics »
sont toujours détenus majoritairement par l’Etat. D’ailleurs, l’actuel
gouvernement entend restaurer les services publics, que Bruxelles ouvre
peu à peu à la concurrence et qui ont en outre été privatisés chez nos
principaux partenaires.
Les entreprises publiques
Au-delà des prétendus services publics totalement sous la coupe de
l’Etat, celui-ci via l’Agence des participations de l’Etat, détient
15,9% d’Air France, 10% d’Areva (mais 77% sont détenus par la CDC et le
CEA, donc la réalité est que la part publique est de 87%), 15% d’EADS,
13% de France Telecom, 36% de GDF Suez, 15% de Renault (on sait que sans
l’Etat personne ne fabrique d’automobiles !), 30% de Safran, 27% de
Thales, mais aussi des parts dans CNP assurances ou ADP.
Il faut aussi tenir compte de ce que détient le Fonds stratégique
d’investissement, totalement étatique. Un portefeuille de près de 15
milliards, qui vient s‘ajouter à la liste précédente, parfois dans les
mêmes entreprises (comme France Télécom ou ADP, ce qui augmente encore
la part de l’Etat), parfois dans d’autres entreprises. La pieuvre
étatique étend ses ramifications dans tous les secteurs. Encore une
preuve supplémentaire de cet ultralibéralisme du gouvernement précédent
que dénoncent les socialistes.
Ultralibérale aussi la part des dépenses publiques dans le PIB (56%,
record d’Europe), qui fait que, comme le montre Contribuables associés,
les Français travaillent pour l’Etat jusqu’à la mi-juillet. Le retour en
force du contrôle public des prix, dont nous avons parlé il y a quinze
jours, mais aussi du salaire minimum et désormais maximum pour les
entreprises publiques, viendra encore accentuer les choses. Ne parlons
pas de toutes les réglementations publiques, administratives, sociales,
qui accentuent la main mise de l’Etat sur la vie économique, ni des
dettes publiques, autrement plus lourdes que les dettes privées, ou de
l’école publique, qui empêche tout développement du privé.
Quand Lacordaire fait du Tocqueville
Reconnaissons que cette hypertrophie de ce qui est public, cet
étatisme, n’a pas été inventé par François Hollande. C’est une tradition
qui remonte à Colbert, au Jacobinisme, à Napoléon, largement partagée
après la guerre par la droite et la gauche. Mais François Hollande est
en train d’en rajouter une couche, au moment où nos partenaires font
reculer l’Etat, ce qui accentue encore l’exception française.
Cet article étant le dernier avant la trêve estivale, prenons un peu
de recul et citons le père Lacordaire, plus connu pour son libéralisme
politique qu’économique. On a oublié qu’il avait succédé à l’Académie
française à Tocqueville, dont il a fait l’éloge, comme c’est l’usage, en
1861. Que disait Lacordaire ?
« L’Américain ne laisse rien de lui-même à la merci d’un pouvoir
arbitraire. Il entend qu’à commencer par son âme, tout soit libre de ce
qui lui appartient et de ce qui l’entoure : famille, commune, province,
association pour les lettres ou pour les sciences, pour le culte de son
Dieu ou le bien être de son corps. Le démocrate européen [traduisons :
le Français à l’époque], idolâtre de ce qu’il appelle l’Etat, prend
l’homme dès son berceau pour l’offrir en holocauste à la toute puissance
publique. Il professe que l’enfant, avant d’être la chose de la
famille, est la chose de la cité, et que la cité (…) a le droit de
former son intelligence sur un modèle uniforme et légal. Il professe que
la commune, la province, et toute association (…) dépendent de l’Etat,
et ne peuvent ni agir, ni parler, ni vendre, ni acheter, ni exister
enfin sans l’intervention de l’Etat et dans la mesure déterminée par
lui, faisant ainsi de la servitude civile la plus absolue, le vestibule
et le fondement de la liberté politique. L’Américain ne donne à l’unité
de la patrie que juste ce qui lui faut pour être un corps ; le démocrate
européen opprime tout l’homme pour lui créer, sous le nom de patrie,
une étroite prison ».
mercredi 4 juillet 2012
Public, vous avez dit public?
Nous en étions là en 1861 ; nous revoilà au même point en 2012. Rien de nouveau sous le soleil de France.
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