Un certain nombre de leurs chers collègues, qui ne pratiquent l’impertinence qu’en meute, a promptement décrété que ces francs-tireurs étaient le déshonneur du journalisme. On me dira, et à raison, que les « médias », ça ne veut rien dire. Aussi serait-il injuste de ne pas souligner que beaucoup de figures éminentes de la profession les ont encouragés, défendus, imposés parfois, en dépit du gouffre idéologique qui les séparait. Significativement, ces derniers appartiennent plutôt à l’ancienne génération, comme si le désaccord civilisé, l’af frontement argumenté étaient déjà des témoignages d’un autre temps.
(...) Reste que leur légitimité, les « nouveaux réactionnaires » la doivent au public plus qu’à leurs pairs. Elle tient d’abord au fait qu’au-delà d’évidentes différences de styles et d’opinions, ces commentateurs ont en commun l’ambition plus ou moins consciente de « dire les choses telles qu’elles sont », ou à tout le moins de ne pas récuser comme « fantasme » ou « phobie » le récit que fait de son existence une certaine France d’en bas – qui se trouve être aussi une France d’avant. On ne la voit ni dans les sondages ni sur les écrans, sauf à l’approche des élections, quand tout le monde se souvient qu’on ne gagne pas sans elle. […] En refusant d’adhérer aux fantasmagories de la diversité et à bien d’autres de la même eau, en s’obstinant à tenter de comprendre ce qu’ils voient au lieu de voir ce qu’on les a priés de comprendre, les « nouveaux réacs » gâchent la fête. Ils ne sont pas, évidemment, immunisés contre l’erreur ou la tentation de devancer les attentes de leur public, voire de l’encourager dans ses tendances obsidionales. À supposer même qu’ils se trompent lourdement – ce qui serait une excellente nouvelle –, en quoi serait-ce une faute morale ? « Il y a quelques années, le quart de leurs propos aurait fait scandale 2 », observera, non sans candeur, une journaliste du Monde — sans pousser cependant la curiosité jusqu’à se demander si les propos en question étaient ou non scandaleux.
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