Premier ministre du Portugal depuis le mois de juin, Pedro Passos Coelho, social-démocrate, analyse la crise de la zone euro, défend son plan de rigueur et les réformes engagées pour redresser le pays, placé sous tutelle du FMI et de l'UE.
Vous avez rencontré vendredi le président Nicolas Sarkozy. Quelle analyse faites-vous de la crise en zone euro ?
Ne serait-il pas préférable d'organiser la faillite de la Grèce ?
Je refuse de faire des prévisions, je préfère être patient en espérant qu'Athènes tienne ses objectifs et mène des réformes viables. Si la Grèce sombre, c'est toute l'UE qui sera en péril. Nous devons aider la Grèce et en même temps renforcer l'UE, instituer un gouvernement économique plus intégré qui traitera notamment de fiscalité.
Quelles sont les conséquences au Portugal de l'aggravation de la crise en Grèce ?
Le Portugal se trouve dans une situation de vulnérabilité vis-à-vis de la Grèce. Si la crise s'aggrave, cela rendra notre processus de récupération plus difficile. Ma vision est très pragmatique: nous devons faire tous les efforts nécessaires pour mener à bien les réformes et l'assainissement financier.
Les économistes doutent de votre capacité à tenir les engagements budgétaires sur 2011 ?
Le plan d'aide a été négocié avant les élections. Depuis, nous avons pris des mesures supplémentaires préventives et notre calendrier de réduction des dépenses est plus ambitieux. Nous bénéficions pour cela du soutien politique. Nous tiendrons l'objectif de 5,9% du PIB de déficit en 2011 et visons un excédent primaire (sans service de la dette) en 2012 pour un équilibre budgétaire en 2015 et un déficit de la balance extérieure d'un demi-point contre 9% l'année dernière. Outre le volet dépenses et le plan de privatisations, nous conduirons plusieurs réformes structurelles, de la justice, du marché du travail, trop rigide, de la régulation. Nous allons créer un conseil des finances publiques, qui sera indépendant afin de garantir une totale transparence dans la gestion de l'État.
Où en êtes-vous des privatisations ?
Nous sommes en train de supprimer les golden shares que l'État détient dans les entreprises publiques, puis nous engagerons le processus de privatisation dans les secteurs de l'énergie d'ici à mi-novembre, en cédant les entreprises d'électricité, de gaz et de pétrole, dont Galp. Nous procéderons ensuite à la privatisation de la compagnie aérienne TAP, du gestionnaire d'aéroport Ana, de la poste, du fret de chemin de fer et de la chaîne de radio télévision publique RTP. L'ensemble du processus devra être finalisé fin 2012, l'objectif visant à récupérer au moins 7 milliards d'euros.
Avez-vous reçu des manifestations d'investisseurs ?
Oui, de nombreuses, provenant des économies européennes, mais aussi des pays émergents, du Brésil, de la Chine et de plusieurs pays arabes. Le président de la Banque nationale de développement économique brésilienne (BNDSE), la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, ainsi que son prédécesseur Lula sont déjà venus nous faire part de l'intérêt des investisseurs brésiliens.
Cet intérêt se manifeste-t-il aussi pour la dette de l'État ?
L'achat de dette publique est soumis à des règles précises, mais l'important est qu'il y ait eu des manifestations de confiance de ce gouvernement quant à la qualité de la dette portugaise.
Allez-vous créer un impôt sur la fortune, comme l'Espagne s'apprête à le faire ?
Nous avons refusé cette solution, pour ne pas dissuader les grandes fortunes de venir s'installer au Portugal. En revanche, nous avons créé un impôt spécial de solidarité qui consistera à relever de 2,5% la tranche marginale d'impôt sur les revenus, qui touchera les plus hauts salaires et durera deux ans. Nous avons aussi créé une taxe additionnelle de 3% sur les bénéfices des entreprises supérieurs à 1,5 million d'euros, également pour deux ans. Le but de ces taxes n'est pas de créer une recette supplémentaire mais de nous permettre de financer des mesures d'assistance sociale pour les familles les plus durement touchées par la crise.
Quelles sont ces mesures ?
Elles sont d'abord liées au logement. Les ménages qui ne peuvent plus rembourser leurs dettes contractées pour acheter leur appartement pourront prendre contact avec leur banque pour que ces prêts soient transformés en loyer modéré, ce qui les soulagera au plan financier tout en leur permettant de rester chez elles. De même, les personnes gagnant jusqu'à une fois et demie le salaire minimum bénéficient d'aide pour les transports publics. En outre, si nous avons été contraints de relever à 23% la TVA sur le gaz et l'électricité, nous avons créé un tarif social pour les plus modestes.
Comment relancer la croissance sachant que la demande interne va rester très faible ?
Il est vrai que l'austérité a un effet récessif. Les classes moyennes vont subir d'importants sacrifices. C'est le ticket de sortie de la crise, le prix à payer pour un pays qui a trop dépensé pendant longtemps. La demande interne aura une contribution négative jusqu'à fin 2012. Ce sera compensé par les exportations qui se portent déjà bien. L'ajustement doit se faire très rapidement pour assurer le financement de l'économie. Les privatisations sont importantes pour augmenter la disponibilité de liquidités, aider à la recapitalisation des banques. Cela permettra une meilleure compétitivité, une plus grande ouverture et internationalisation de notre économie. L'État abondera 12 milliards d'euros de garantie pour les banques.
La compétitivité reste le point faible du Portugal ?
D'où l'urgence à lancer les réformes structurelles, qui auraient dû être faites conjointement à l'entrée dans l'UE. Le pays compte dans plusieurs secteurs - textile, technologies de l'information, biotechnologies… des entreprises très performantes.
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