Les journalistes de L'Express ont suivi la prestation de Dominique Strauss-Kahn sur le plateau de TF1, ce dimanche soir. Ils livrent leurs impressions.
La note: 8/20. Quel beau numéro d'acteur ! Jouée, rejouée, surjouée, toute la première partie de l'interview de Dominique Strauss-Kahn donne le sentiment d'avoir apprise par coeur, jusqu'aux (longs) silences et aux yeux douloureusement baissés. Des phrases toute prêtes, des expressions choisies - l'absence totale de spontanéité met le spectateur mal à l'aise, même s'il était sans doute irréaliste d'avoir attendu autre chose de cet entretien. Jusqu'au moment il où il affirme "Cette légèreté, je l'ai perdue pour toujours", qui sonne comme une mélodramatique tirade de fin, loin du regret sincèrement éprouvé d'avoir "raté un rendez-vous avec les Français".
Du coup, la deuxième partie de l'interview a une dimension sur-réaliste: le même, qui vient nous faire part de sa grande douleur une minute avant, se trouve soudain lancé dans une explication claire et précise de la crise financière mondiale ! Le tout avec un naturel et un vrai intérêt pour son sujet, qui contraste avec le DSK du début de l'émission.
Bilan: on termine la séquence sans avoir rien appris qu'on ne sache déjà, ni surtout compris ce qui a motivé la "faute morale", selon son expression, du 14 mai. Dommage.
Le top: Martine Aubry prise en flagrant délit de mensonge !!! DSK allait être candidat à l'élection présidentielle, il l'a dit. Il n'a donc jamais expliqué à Martine Aubry, contrairement ce qu'elle a affirmé en juillet, que la crise grecque l'empêchait de se présenter.
Le flop: Le côté Acteur Studio, "j'ai-bien-appris-mon texte-j'ai-même-répété-les-intonations".
Matthieu Deprieck (LEXPRESS.fr)
La note: 14/20. Tous les sujets ont été passés en revue: affaire Diallo, Banon, primaire PS, crise économique,.. Dommage que Claire Chazal ne l'ait pas cuisiné un peu plus sur le contexte politique actuel, d'autant que DSK a lâché une vraie bombe, en confirmant qu'un pacte le liait à Martine Aubry et qu'il voulait être candidat.
Le top: Le sens de la formule de Dominique Strauss-Kahn. Il a réussi à ne rien dire de ce qui s'était passé dans la suite du Sofitel, qu'il ne s'engagerait pas dans la primaire et qu'il se mettait en retrait de la politique, tout en laissant entendre le contraire. Chapeau!
Le flop: Les séquences "émotion". De vrais moments d'Actor's studio, avec longs silences et mine grave. Tous ces passages très personnels et émotionnels n'avaient qu'une utilité: laver l'honneur de DSK.
Eric Mandonnet (service France de l'Express)
La note: 17/20. Ce fut un moment de télévision par définition unique, où l'on se sentait presque gêné d'assister à cette séance d'explication -comme on fut gêné, depuis le premier jour, de se retrouver prisonnier de cette histoire. Tout aussi décalé, presque comique, fut le passage entre la première partie, consacrée aux fameux événements, et la seconde, sur la crise financière. "Je ne crois pas que l'euro soit en difficulté"...
Le top: L'image furtive -elle a duré une seconde -où DSK est apparu sur l'écran comme un petit garçon pris en faute. Terrible.
Le flop: Là où la mission était impossible, c'était de convaincre de la sincérité, au-delà des artifices de la communication. Chaque phrase donnait l'impression d'être récitée, mais il est vrai que l'exercice d'un 20h est d'abord une question de communication.
Thierry Dupont (LEXPRESS.fr)
La note: 14/20. Un moment très attendu, avec un peu de repentance bien préparée, des coups de griffes, un cours de finance internationale et quelques messages politiques ("Martine Aubry est une amie, elle a été très présente (...) mais je ne m'immiscerai pas dans cette primaire..." Au final, pas grand chose de neuf.
Le top: Des regrets - pas des excuses- qui sonnent assez juste au début. L'homme a du talent... "J'ai manqué mon rendez-vous avec les Français", a-t-il dit à cause d'une "faute morale".
Le flop: "Un piège, c'est possible. Un complot, nous verrons." Cette simple phrase vient contredire l'entreprise de mea culpa ("Cette légéreté, je l'ai perdue pour toujours"). Il rejette la cause de son erreur sur d'autres. Et ouvre la porte de la théorie du complot...
Thomas Bronnec (LEXPRESS.fr)
La note: 14/20. Une interview sous haute tension. Aucune question n'a été éludée, même si Claire Chazal confirme qu'elle n'est pas l'intervieweuse la plus pugnace du PAF... Les réponses, elle, appartiennent à DSK.
Le top: La stratégie de communication. Pas d'excuses explicites aux Français, comme il l'avait fait pour les salariés du FMI ; une contrition minimum avec cette "faute morale" dont il n'est "pas fier"... Aux Etats-Unis, cela aurait sans doute été un flop. En France, cette stratégie du "j'assume ce que je suis", incarnée par son "j'ai du respect pour les femmes", pourrait davantage convaincre l'opinion.
Le flop: "La maison, c'était ça ou retourner à Rykers Island". J'ai du mal à croire que les seules maisons disponibles à New York coûtent 50.000 dollars par mois. Mais je connais sans doute trop mal New York.
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