Surtout, ne pas en parler. Même si plusieurs pays commencent à l'évoquer et que des dirigeants européens semblent l'envisager en coulisses, la France s'en tient officiellement à un message en forme de méthode Coué en excluant toute possibilité de faillite pour la Grèce.
Un défaut de paiement de la Grèce "n'est pas une hypothèse de travail", a affirmé lundi le ministre des Finances François Baroin.
Le Premier ministre François Fillon est allé plus loin en traitant d'"irresponsables" ceux qui suggèrent, à l'instar de l'ex-patron du FMI Dominique Strauss-Kahn, d'annuler une partie de la dette grecque pour permettre à Athènes de partir sur de nouvelles bases.
Et pourtant, dans plusieurs pays, de l'Allemagne à l'Autriche en passant par les Pays-Bas, on évoque désormais ouvertement la possibilité d'un défaut de la Grèce et d'une restructuration massive de sa dette. Une solution que les Français rechignent à aborder.
"C'est de la méthode Coué", estime Jacques Delpla, membre du Conseil d'analyse économique auprès du gouvernement.
Plus sévère, Charles Wyplosz, directeur du Centre international d'études monétaires et bancaires de Genève, critique une forme d'"aveuglement".
"Le gouvernement français pense pouvoir éviter l'inévitable simplement en disant +non+", déplore cet économiste. Selon lui, "les marchés sont désormais convaincus qu'il y aura un défaut" et le nier ne fait qu'aggraver la situation.
"Les Allemands en ont accepté l'idée, ils se montrent un peu plus réalistes et les Français finiront bien par suivre le mouvement", prédit-il.
La position de la France tient en deux points: il faut mettre en oeuvre rapidement l'accord du 21 juillet, qui prévoit un renforcement du fonds de sauvetage de la zone euro et une nouvelle aide à Athènes avec la participation des banques; et la Grèce doit, d'ici là, tenir ses engagements en matière de réformes, de privatisations et de réduction du déficit.
Inutile de "réfléchir comme certains à une autre stratégie" tant qu'on n'a pas mis celle-ci en musique, a fait valoir François Baroin.
Le problème, c'est que plus le temps passe, "plus on doute que l'accord du 21 juillet sera appliqué", relève Jean-François Robin, économiste chez Natixis. "Du coup, les marchés ne voient qu'une alternative, le défaut".
La situation a déjà évolué depuis juillet: le gouvernement grec semble bien en peine de respecter les promesses budgétaires prises il y a à peine deux mois.
Or, lorsqu'on l'interroge sur ce qui se passerait si les créanciers internationaux décidaient de couper les vivres à Athènes --une solution qu'il n'exclut plus--, le gouvernement français reste muet, quitte à donner l'impression qu'il ne se prépare pas à toutes les éventualités.
En coulisses pourtant, au niveau européen, un défaut de la Grèce et une restructuration de sa dette, avec des pertes sèches importantes pour les Etats et les banques, semble bien être une hypothèse de travail.
Mais selon certains experts, le discours français n'est pas forcément le plus mauvais. Jean-François Robin note d'ailleurs que Paris est sensiblement sur la même position que le président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet, "l'exemple à suivre".
"Le marché n'aime pas la cacophonie", souligne-t-il, regrettant que l'Allemagne sorte souvent des rangs, jetant une ombre sur la crédibilité des décisions prises en commun.
Pour Jacques Delpla aussi, la France "a raison d'être prudente". "Parler de défaut, c'est dangereux. Une restructuration de dette, ça ne s'annonce pas à l'avance, ça se prépare en coulisses", estime-t-il.
La seule solution, à ses yeux, c'est de se préparer à un éventuel défaut grec en bâtissant des "fortifications" pour éviter que l'Italie et l'ensemble de la zone euro ne soient emportées, via notamment une forme de mutualisation des dettes européennes.
mercredi 21 septembre 2011
FOCUS/DETTE/Sur la Grèce, la France applique la méthode Coué
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