TOUT EST DIT

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jeudi 21 juillet 2011

Défaillance de la Grèce : quelles conséquences ?

Réunis à Bruxelles jeudi 21 juillet pour réfléchir à un deuxième programme de sauvetage pour éviter la faillite de la Grèce, les dirigeants de la zone euro n'excluent plus un défaut partiel du pays. Alors que cette option avait été vigoureusement rejetée par le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, des voix dissonantes se sont élevées ces derniers jours, estimant qu'il s'agirait d'un moindre mal, à condition que ce défaut soit sélectif et limité dans le temps.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le défaut de paiement d'un pays n'est pas un événement rare, en tout cas en dehors des pays développés. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'un Etat peut être "liquidé" pour cause de surendettement.
En France, la disparition de l'assignat, papier-monnaie émis après la Révolution pour rembourser une dette abyssale, et dont la valeur a brutalement chuté au début des années 1790 avant son retrait définitif, peut être assimilée à une sorte de défaut de paiement. Plus proche de nous, la retentissante restructuration de la dette mexicaine en 1982, le défaut russe sur les emprunts d'Etat en 1998 et la déclaration d'insolvabilité de l'Argentine en 2001 en sont d'autres exemples.
Dans le cas de la Grèce pourtant, la situation est inédite : c'est la première fois qu'un pays fait défaut au sein d'une union monétaire.

  • En quoi consiste un défaut de paiement partiel ? Quelles en sont les conséquences immédiates ?
Les précautions de langage sont importantes. Dans le cas de la Grèce, les dirigeants européens ont pris soin de bien choisir leurs mots et d'évoquer un "défaut partiel" du pays. "On parle le plus souvent de défaut 'partiel', car le défaut de paiement n'est pas forcément synonyme d'impayé, explique Nicolas Bouzou, économiste et directeur de la société d'analyse Asterès. Il peut s'agir d'allonger la durée des titres de dette ou de baisser leur taux". "Un défaut partiel est une façon de dire que les titres vont être partiellement remboursés", ajoute Francesco Saraceno, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Ce sont évidemment les créanciers de la Grèce qui sont les plus directement affectés par ce défaut. "L'ampleur du défaut est l'objet des discussions qui ont lieu en ce moment. La question est : qui va lâcher quoi ?", indique Nicolas Bouzou. "Il est évident que les banques créancières de la Grèce vont devoir consentir des sacrifices."
"En première ligne se trouvent notamment les porteurs de CDS (credit default swap, instruments financiers destinés à se prémunir contre les risques de crédit, principalement détenus par des "hedge funds" et des banques), puisqu'un défaut entraîne leur déclenchement", rappelle Thierry Charpentier, responsable de l'ingénierie pédagogique chez First Finance, un centre de formation à la finance. En achetant des CDS, les investisseurs se sont engagés à se substituer à l'émetteur défaillant : dès lors que l'émetteur fait défaut, c'est au porteur de CDS de mettre la main à la poche. "Or le montant de ces dédommagements est important", précise-t-il.
Autre conséquence potentiellement dramatique du défaut de paiement : l'impossibilité pour les banques de trouver des financements. Jusqu'à présent, les banques grecques ne trouvant plus de prêteur sur les marchés, elles se financaient auprès de la BCE en fournissant des titres en garantie. "Mais la BCE n'acceptera pas de titres émis dans un pays qui est en défaut de paiement, souligne Thierry Charpentier. Jean-Claude Trichet s'y est formellement opposé. Cela dit, il est impensable que des accords ne soient pas en cours de négociation au niveau européen pour éviter ce genre d'écueil."
  • Comment un défaut de paiement peut soulager la Grèce ? Est-ce un instrument efficace de sortie de crise ?
En principe, un défaut partiel allège considérablement la charge de la dette du pays concerné, et lui permet d'assainir son bilan. Mais cela provoque l'impossibilité de revenir dans l'immédiat sur les marchés pour se financer. Ca n'est toutefois pas une fatalité, nuance Nicolas Bouzou : "A condition que le pays bénéficie d'une croissance solide et d'une saine gestion, le retour sur le marché peut se faire en un temps raisonnable, comme ce fut le cas pour l'Argentine après sa défaillance de 2001-2002".
Plus grave, un défaut de paiement n'est pas compatible avec le principe d'une union monétaire. Jusqu'à présent, toutes les restructurations de dette s'accompagnaient d'une dépréciation de la monnaie nationale. Or une telle mesure est inenvisageable dans un pays de la zone euro. "Dans l'idéal, il faudrait que la Grèce connaisse une déflation (baisse des prix) de l'ordre de 20 à 30 %, estime Nicolas Bouzou. Sans cela, elle ne peut pas redevenir compétitive et relancer la croissance." La Grèce devra donc aller chercher la croissance ailleurs, "dans la consommation intérieure", indique Francesco Saraceno, "ou grâce à l'aide d'autres pays".
"La situation est comparable à la chute de Lehman Brothers, en septembre 2008, explique Thierry Charpentier, un événement dont on n'a pas mesuré les conséquences immédiatement. Le pire n'est pas la perte d'argent immédiate, mais ce qui va se passer ensuite, prévient-t-il. Dans le cas de Lehman, personne n'avait envisagé une telle propagation de la crise. Et Thierry Charpentier d'agiter la "crainte d'une contagion, d'autant plus que nous vivons quelque chose d'inédit : qu'un ensemble de pays se porte au secours d'un autre, c'est une première."
  • Quelles peuvent être les conséquences de ce défaut en Europe ?
Pour Nicolas Bouzou, le risque de contagion est réel : "Si un pays fait défaut au sein de la zone euro, il n'y a pas de raison pour que d'autres, comme le Portugal ou l'Italie, ne suivent pas, en invoquant des problèmes de croissance ou une entrée trop rapide dans l'Euro. La contagion est tout à fait possible, y compris à la France ou à la Belgique, d'autant plus qu'à la suite du défaut grec, les taux obligataires augmenteront, prévient-il. Plus au Portugal qu'en France, c'est évident, mais la France ne sera pas épargnée."

Un avis partagé par Thierry Charpentier, qui estime que la contagion pourrait d'abord frapper le Portugal, qui est le pays le plus faible après la Grèce, avec des fondamentaux très mauvais. "Le niveau de la dette portugaise est inférieur à celui de l'Italie, et ça le rend d'autant plus facilement attaquable : les anticipations des marchés sont auto-réalisatrices, mais elles le sont d'autant plus que le montant de la dette n'est pas trop important".

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