"Un sursis à court terme", "l'euro joue sa survie"… Officiellement, le sommet du 21 juillet réunira les chefs d'Etat et de gouvernement européens pour discuter de la répartition du second plan d'aide attribué à la Grèce. Une rencontre décisive pour l'avenir de l'euro.
En attendant le verdict, éditorialistes, économistes et chercheurs européens livrent leurs scenarii.
Quitter l'euro
Pour certains, le glas de la zone euro a sonné, et cette fin est salutaire. "L'abandon de la monnaie unique pour la Grèce, le Portugal, l'Irlande, l'Espagne et l'Italie relancerait la croissance de la zone", estime l'économiste Christopher Smallwood, de Capital Economics, un cabinet de conseil londonien. Et "eux aussi se porteraient mieux", ajoute t-il.
Selon lui, le talon d'Achille de l'eurozone n'est autre que sa tendance déflationniste, largement insufflée par l'Allemagne. Pour que d'autres pays, tels que la France, n'aient pas à souffrir de ce comportement, il faudrait "restaurer le deutschemark, cela mettrait fin au surplus commercial et obligerait le pays à booster la demande intérieure", prévoit l'économiste.
Survivre
Mais les personnalités qui ont contribué à créer la monnaie unique refusent de prendre part à cet éloge funèbre.
Dans une tribune commune parue dans le quotidien Le Monde (édition du 15 juillet), Jacques Delors, Felipe Gonzalez, Romano Prodi, Etienne Davignon et Antonio Vitorino, refusent d'envisager le pire. "L'euro doit survivre à cette crise et il survivra", affirment-ils. Et ils rajoutent : "Il en sortira même renforcé".
Pour sauver la monnaie unique, les signataires de la tribune citent la régulation bancaire qui "ne peut plus être cantonnée à un cadre national". Les partisans de la survie de l'euro placent leurs espoirs dans les nouveaux instruments communautaires comme le mécanisme européen de stabilité financière, efficace à partir de juillet 2013. Il faut "une vision claire et partagée pour guider l'action" des politiques européennes, concluent-ils.
Pour d'autres, tirer les leçons de la crise c'est aussi reconsidérer l'importance de la monnaie unique dans l'UE.
Moraliser
Dans une analyse pour la fondation Schuman, le directeur général de la Financière de la Cité, Emmanuel Sales, interprète la crise financière comme un rappel salutaire "à nos obligations".
"Accoutumés à l'utilisation de la monnaie unique, nous en avons oublié le trésor", écrit-il. Pour lui, la fin de la zone euro serait synonyme de la "fin de ce système moral" que représente l'euro. Pour repolicer les pratiques économiques des Européens, le chercheur appelle au "retour à l'équilibre des comptes publics" via "une réforme en profondeur des activités financières".
Mais cette refonte devra tenir compte de la nouvelle donne européenne : les banques et les institutions étatiques sont plus que jamais interdépendantes, précise Nicolas Véron, de Bruegel.
Réinterpréter
L'économiste prend pour exemple les résultats des tests de résistance européens, rendus publics le 15 juillet. Huit banques seulement ont été recalées sur un total de 90, mais le bilan ne rassure pas les marchés. "Cela ne changera pas la donne, contrairement à ce qui aurait pu se passer deux ans en arrière", tranche Nicolas Véron. Autrement dit, les pays en proie au surendettement continueront d'attiser la suspicion des marchés, même si leurs banques sont solvables.
"La crise a révélé que le marché bancaire ne peut pas être pleinement intégré, tant que les banques peuvent implicitement compter sur le renflouement des Etats, fiscalement souverains", observe-t-il.
Relativiser
"Chacun sait, à la fin, que l'Europe aidera la Grèce", écrivait dans son éditorial du 22 juin le président de la fondation Robert Schuman Jean-Dominique Giuliani. Une conviction qui sera mise à l'épreuve de la réunion des dirigeants de l'eurozone, le 21 juillet. Pour le président du think tank, seul "un budget européen véritable" pourra mettre fin à la vulnérabilité de l'Union monétaire.
Avec, à terme, une participation des ressources propres européennes à hauteur de 20% de l'enveloppe totale. "Sortir du punitif" et adopter "des règles budgétaires communes (…) assorties de décisions nationales", tel est l'antidote selon Jean-Dominique Giulani.
A la tête de cette nouvelle architecture budgétaire, le président de la fondation Schuman place "un secrétaire d'Etat européen au Trésor", à qui il donne le pouvoir "de décider des grandes orientations de politique économique et budgétaire".
"On joue à se faire peur et cela est dangereux", conclut-il.