TOUT EST DIT

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jeudi 24 février 2011

Droit à l'oubli : pas si simple

On parle de « mémoire d'éléphant » à propos d'une personne capable d'engranger un grand nombre d'informations. Et les juristes passent souvent pour être dotés d'une telle mémoire, parce qu'on les imagine capables de citer, au pied levé, des listes entières d'articles des Codes ! Ce qui est faux.... !

Mais s'il est un domaine où l'expression est justifiée, c'est bien celui d'Internet qui possède une mémoire totale, sans faille. Ce qui, un jour, s'y est trouvé diffusé semble gravé presque pour l'éternité. Étonnant et fâcheux. D'abord, dans les cas où ces informations se révèlent peu flatteuses pour l'intéressé. On pense à des gens qui ont eu maille à partir avec la justice. Une fois la peine exécutée, en principe on ne parle plus de ce qui l'a justifiée.

Oui mais, la mémoire informatique ne connaît pas, elle, ces subtilités. Elle engrange goulûment les informations et les régurgite à la demande, parfois des années plus tard. Nombre d'anciens détenus témoignent du préjudice que cela leur cause dans la recherche d'un travail. Un clic et toute leur histoire se déroule à partir de communiqués et articles de presse, de commentaires sur les blogs....

Le problème se pose aussi pour ceux qui ont eu, à un moment de leur vie, généralement au cours de leur jeunesse, l'inconscience de mettre en ligne sur Facebook ou Myspace des informations scabreuses, des images douteuses censées faire des gorges chaudes, avant d'être découvertes par de futurs employeurs fureteurs et de jeter un froid sur les projets professionnels.

Et puis, il y a aussi le problème plus général des informations glanées par les entreprises commerciales qui en font leur miel et cela à l'insu des internautes qui ne savent pas qu'à chaque connexion, quelque 800 informations sont envoyées.

On pense irrésistiblement au capitaine Haddock dans Tintin au Tibet, importuné par un sparadrap rebelle, ou à la tunique de Nessus, de la mythologie, qui collait à la peau et empoisonnait.

Pas étonnant que 71 % des Français estiment la protection de la vie privée insuffisante !

Le « droit à l'oubli » est-il une réponse adaptée ? Sans doute et c'est la raison pour laquelle aussi bien la commissaire européenne Viviane Reding, le président de la Cnil (Commission nationale Informatique et libertés), Alex Türk, et les sénateurs auteurs d'une récente proposition de loi, en réclament l'institution. Sa mise en oeuvre supposerait contrôle et droit de retrait des informations importunes, consentement à la diffusion... mais avec une double limite dont il faut avoir claire conscience. L'une, faible, tient à la possibilité du « copier-coller » et donc à la conservation dans des mémoires privées d'informations hors de tout contrôle. L'autre, forte, résulte de l'allure mondiale des réseaux. À quoi servirait-il de consacrer ce droit à l'interne, y compris dans la Constitution comme cela est suggéré, si Google, Yahoo et les autres grands moteurs de recherche ne se montrent pas disposés à lui donner vie ?

Il faudra donc une négociation que la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet annonce longue et difficile. Mais en attendant, à une époque portée à l'exhibitionnisme à tout va, il reste à redécouvrir les vertus protectrices de la discrétion qui n'est, dans le fond, qu'une manière de s'oublier un peu soi-même.

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