Les littéraires vont sursauter. Mais tant pis, allons-y ! Écrivons-le franchement ! Et si les mots étaient les ennemis de l’éducation nationale ? Son poison mortifère ? Toutes ces formules creuses administrées, locataire après locataire, par un ministère verbeux, gonflé de sa propre importance, prêt à éclater d’une indigestion de circulaires.
De réformes ratées en réformes avortées, son verbe a perdu toute sa crédibilité et a fini par s’abîmer dans un scepticisme décourageant. Tout changement, surtout quand il est commandé d’en haut, est désormais suspect, tellement suspect qu’il inhibe le goût de l’évolution, et distille ses effets immobilistes. Nous voilà donc une fois de plus à la veille d’une journée d’actions, invariablement synonyme des déceptions du monde scolaire.
Le gouvernement s’obstine, en effet, dans une logique comptable qui rend incompréhensible, voire incohérent, tout discours volontariste. La sémantique de Luc Chatel se perd dans les équations simplistes de son cabinet. Car la réduction des effectifs est un résultat brandi comme un triomphe de l’arithmétique : puisque le nombre global d’élèves baisse, profitons-en pour réduire le nombre d’enseignants. Il fallait y penser. Pour faire passer cette inéluctable vérité, le gouvernement nous promet que tout cela sera indolore, ou presque. Une affirmation qui a fort peu de chances de convaincre les rectorats.
La réussite scolaire n’est pas seulement une question de moyens, et le nombre d’élèves par classe n’est pas forcément un gage de succès. Mais comment réduire la voilure quand, au même moment, on prétend s’intéresser aux «enfants décrocheurs»? Si le nombre d’enseignants par élèves est supérieur à la moyenne européenne dans le secondaire, il est nettement en dessous pour l’élémentaire. Mais, au sommet de l’État, on semble se contenter de ce qui apparaît pourtant comme un handicap décisif pour l’école française, désormais loin d’être la plus performante selon les résultats de la grande enquête Pisa. Quand se décidera-t-on enfin à réduire cette infirmité fataliste qu’on inflige à trop d’enfants ?
La formation des maîtres hésite, elle aussi. Si l’échec des IUFM est désormais assumé, le nouveau dispositif est parti dans le sens inverse de la direction qu’il aurait dû prendre en optant pour plus d’université, et plus de théorie. Et moins d’expérience sur le terrain avant d’affronter une classe. C’est à pleurer…
Mardi, le président a, enfin, fait un geste significatif en mettant l’accent sur «la formation pratique» qu’il faudrait développer. Les enseignants ont apprécié cette inflexion, mais ils demandent à voir. Nous aussi. En espérant que ce soit le début d’une métamorphose indispensable : débarrasser la conception de l’éducation nationale des idéologies qui l’ont fossilisée.
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