samedi 8 janvier 2011
« L'homme ne se nourrit pas seulement de pain »
Croissance, productivité, consommation, voilà, semble-t-il, les mots clés d'aujourd'hui. Mais ne voit-on pas que la croissance ne peut être infinie et que, trop souvent, elle utilise sans compter des ressources précieuses qui devraient être ménagées pour demain ?
La productivité, quant à elle, est évidemment positive, mais seulement tant qu'elle n'épuise pas les esprits, les nerfs, les corps de ceux qui la servent. Enfin, la consommation à laquelle on nous incite en permanence avait provoqué, en 1968, un refus, un rejet. À l'époque, certains estimaient qu'elle prenait trop de place dans la vie, chassant ainsi d'autres formes de comportements et bien des valeurs.
« Les Européens de mon âge, écrit le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, ont grandi avec un sentiment de sécurité inimaginable aujourd'hui : toujours plus de pouvoir d'achat, de santé, de confort, de loisir. En même temps, le culturel s'appauvrissait , le spirituel s'étiolait. »
Bien sûr, trop de personnes sont restées en retrait, plus ou moins délaissées, et ne bénéficient toujours pas de ces évolutions extraordinaires. Cependant, globalement, notre société a vu s'améliorer considérablement ses conditions de vie, au point qu'elle a tendance à se replier sur elle-même par crainte de les perdre. C'est cela sans doute qui contribue à créer ce pessimisme, certains disent même cette sinistrose dans l'esprit des Français, comme l'a souligné un récent sondage. Au lieu d'aller de l'avant pour accueillir les autres, souvent ils s'en méfient : « Les valeurs de l'hospitalité sont souvent abolies » (1).
Dépasser les peurs
Or, en cette époque de tensions entre les extrémismes religieux, « il nous faut dépasser les peurs pour permettre à la force de l'hospitalité d'irriguer la pratique du dialogue entre les religions » (1). Autrement dit, la richesse, l'opulence peuvent aller à l'encontre des valeurs qui sont essentielles pour l'être humain.
Il est un autre danger : si l'aisance matérielle, l'opulence obtenues par la croissance permanente et par la course à la consommation sont le principal et quasiment l'objectif unique de nos sociétés occidentales, alors, de plus en plus, nous serons enclins à choisir le système politique le plus efficace en ce domaine. Nous pourrions, dans ces conditions, être amenés à « questionner notre modèle démocratique et à mettre en cause nos libertés face à un modèle autoritaire qui apparaîtrait, aujourd'hui, plus performant pour créer des richesses », écrit encore le grand rabbin.
Or, dans plusieurs pays européens, ne voit-on pas monter ces tendances autoritaires qui se disent prêtes à bouleverser les modèles politiques existants pour soi-disant mieux protéger les citoyens des dangers extérieurs, comme les immigrations, pour aussi réaliser de meilleurs scores économiques ? Qui ne voit le danger d'une telle « radicalité qui s'installe avec ses discours simplistes » (1) ?
N'oublions pas que l'homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais aussi de liberté et de compréhension mutuelle.
(1) Gilles Bernheim, Le Figaro du 05 janvier 2011.
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