TOUT EST DIT

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jeudi 13 janvier 2011

Le TGV, joujou de nouveau riche

L’Espagne est le pays d’Europe le mieux doté en lignes à grande vitesse. Mais est-ce bien écologique ? Et surtout, est-ce bien raisonnable en temps de crise ? 

Ces dernières années, l’Espagne a consenti des dépenses sans précédent dans de nouvelles infrastructures. Le résultat est là : nous sommes les premiers en Europe pour le nombre de kilomètres d’autoroutes et nous venons de ravir à la France la première place en matière de trains à grande vitesse avec la mise en service de la ligne Madrid-Valence [le 18 décembre]. Au total, notre réseau ferroviaire couvre 2 665 kilomètres et place l’Espagne au deuxième rang mondial après la Chine.
Ce qui soulève deux questions. Premièrement, l’Espagne pouvait-elle s’offrir un tel luxe dans un contexte de crise ? Deuxièmement, le projet est-il judicieux du point de vue de l’aménagement du territoire ? On peut en effet se demander si un réseau résolument radial, ayant Madrid pour épicentre, ne manquait pas de lignes périphériques, comme le couloir méditerranéen très demandé [Barcelone-Valence].

6 milliards d'euros pour à peine 3,5 millions de passagers

Valence, la dernière grande ville à recevoir l’AVE [le train à grande vitesse espagnol], a applaudi avec ferveur la nouvelle infrastructure. En revanche, écologistes, syndicats et associations pour le développement durable y voient une dérive tout à fait typique des nouveaux riches.
"La grande différence entre l’Espagne et d’autres pays d’Europe est que dans ces derniers, on planifie le service, et ici seulement l’infrastructure", déplore Pau Noy, membre de la Fondation pour une mobilité durable et sûre. "Ici, l’important est d’avoir l’AVE, pas de savoir si on en a besoin, s’il coûte cher ou combien de voyageurs il va transporter".
Pourquoi avoir dépensé une fortune — 6 milliards d’euros — dans cet AVE, qui, selon les prévisions officielles, n’aura que 3,5 millions de passagers la première année ? Une bagatelle par rapport aux 400 millions de passagers [déplacements] des trains de banlieue en 2009.
L’époque du faste et des grands investissements s’est terminée avec la crise, et ceux qui fustigent cette politique de l’AVE pour tous exigent du gouvernement un modèle plus rationnel. "C’est une politique ségrégationniste qui oblige les jeunes à se rabattre sur l’autocar et la route, car la grande vitesse est chère", critique Noy.
Gregorio Martín, professeur à l’université de Valence, estime que le débat n’est pas si simple. "Il fallait retirer des camions du réseau routier et des avions de l’espace aérien, les deux moyens de transport qui polluent le plus, en application du protocole de Kyoto contre le changement climatique. Or c’est vrai que l’AVE présente un bilan écologique et énergétique bien meilleur que l’avion, dans un rapport de 4 à 1".

Une situation qui ne profite qu'aux grandes villes

Les écologistes et les associations espagnoles pour la mobilité dans les transports ne sont pas d’accord sur la segmentation des réseaux. "L’Europe observe stupéfaite la manière dont nous employons les fonds européens, fait valoir Noy. Au lieu de favoriser la cohésion en améliorant les transports de proximité, l’Espagne a opté pour la grande vitesse. Cela ne profite qu’à Madrid et transforme Valence, Saragosse et d’autres grandes villes en quartiers de la capitale".
Madrid est déjà connectée par AVE à 21 villes espagnoles, alors que le projet initial des gouvernements successifs était de raccorder la grande majorité des capitales provinciales avec le centre. Désormais, la priorité du ministère de l’Equipement est de compléter ce premier schéma radial, qui ne sera pas terminé sans la participation de capitaux privés. Depuis longtemps, le ministre [de l’Equipement] José Blanco s’est lancé à la recherche d’investisseurs privés aux Etats-Unis et en Chine.

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