TOUT EST DIT

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jeudi 13 janvier 2011

Allô, Tunis ?

Hein, quoi ? « Embarrassés » ? Le mot est faible. D’habitude si promptes à jouer les redresseuses de torts sur le mode matamore, les autorités françaises ont soudain perdu leur voix. Aphone, l’Élysée. Aphone, Matignon. Aphone, aussi, la mairie de Paris.

Euh, Tunis ? Circulez, y’a rien à voir. C’est à peine si, de l’Élysée à Matignon, on admet l’existence d’une crise grave et profonde chez nos amis d’outre-Méditerranée. Pour ne pas voir les vrais morts de la répression, on fait le mort diplomatique. La bonne vieille méthode pour éviter une de ces balles perdues qui vous déstabilisent un partenariat économique et politique.

Avouons-le, cette « prudence » (en termes diplomatiques et journalistiques, cela veut dire qu’on se planque) avait bien des avantages. Jusque-là. Pourquoi risquer de se brouiller avec Ben Ali pour des broutilles démocratiques sans importance ? La dévotion officielle de la France pour les droits de l’homme est à géométrie très variable, ce n’est pas nouveau. Avec le régime tunisien, cette faculté contorsionniste méritait qu’on la poussât vers ses limites : notre autocrate préféré du Maghreb, encore plus autoritaire dans son pays que ne l’est le roi du Maroc chez lui, n’était-il pas le meilleur rempart contre le risque islamiste ?

Lors de sa dernière visite sur place, Jacques Chirac, déjà, avait implicitement préféré le muscle au respect élémentaire des droits du peuple tunisien. Protéger la « prospère » Tunis contre les vices des radicaux musulmans valait bien quelques concessions sur l’idéal. Les contrats privilégiés aussi. Quant à la défense de la francophonie, elle avait forcément un prix : celui de l’indulgence. Alors, pas question de tenter, selon les termes du porte-parole du gouvernement, François Baroin, la moindre ingérence dans la politique intérieure tunisienne. Il ne s’agit après tout que d’un problème « social » n’est-ce pas ? Et tant pis si l’Union européenne comme Washington condamnent clairement le recours disproportionné à la force contre les manifestants.

Difficile d’ouvrir les yeux après les avoir fermés - depuis Bourguiba - sur les excès d’un pouvoir personnel de type dictatorial. Mais aujourd’hui, ce cynisme assumé - qui pouvait se défendre - semble avoir vécu. Le « mieux vaut ça que les barbus islamistes » ne fonctionne plus comme avant. En soutenant le pouvoir à son tour fatigué et contesté de Ben Ali, cette stratégie intéressée risque de faire le lit des périls qu’on voulait éviter.

La France doit comprendre à temps que les Tunisiens ont atteint un degré de développement - et l’aspiration démocratique qui fatalement va avec - de plus en plus incompatible avec les inégalités criantes, l’accaparement des richesses par une oligarchie familiale, la corruption. La « prudence » aveugle et obstinée de Paris pourrait bientôt devenir très… imprudente.

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