TOUT EST DIT

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jeudi 13 janvier 2011

Tunis : l'impasse répressive

Des écoles et des universités fermées. Des banlieues en ébullition. Le centre de Tunis théâtre, hier, d'affrontements. En moins d'un mois, l'image de dictature douce qui collait à la Tunisie de Ben Ali s'est effondrée. Face à la colère d'une jeunesse aussi diplômée que sous-employée, le régime n'a pas eu d'autres réponses que la répression. C'est une voie sans issue que Ben Ali vient d'emprunter, et il serait bon que la France le dise plus clairement.

Car en tirant sur les milliers d'étudiants qui protestent contre le manque de travail et la corruption, le gouvernement tunisien frappe ceux qui étaient, jusqu'ici, le symbole de sa réussite. Une réussite prédisposée par le père de l'Indépendance, Habib Bourguiba, qui avait, certes, jeté les bases d'un régime autoritaire, mais aussi tout misé sur l'éducation et la laïcité. Dans le moindre village côtier ou sur les franges du désert, les enfants tunisiens sont scolarisés. On les voit, cartable au dos, marcher pieds nus dans le sable. Garçons et filles. En cinquante ans, cela a permis à ce petit pays sans richesses (contrairement à l'Algérie) de faire exception dans le monde arabe. De développer autant le tourisme que sa matière grise. De faire une place singulière à l'émancipation féminine.

Tout cet acquis est, depuis longtemps, nié par le comportement du régime du président Ben Ali. Sa propre épouse et sa nombreuse famille sont au coeur de multiples scandales de corruption. L'ordre, censé protéger le pays des infiltrations islamistes et des violences qui durant les années 1990 ont ensanglanté l'Algérie, est devenu une obsession. Renforcée par la terrible piqûre de rappel du 11-Septembre. Consacrée par la réélection (fantoche), en 2009, pour un cinquième mandat. Le mandat de trop.

L'héritier de Bourguiba, qui a su développer l'économie de son pays, n'a pas su saisir ce développement pour le faire grandir démocratiquement. Homme de police il était, avant d'arriver au pouvoir. Homme de police il est, lorsque celui-ci est menacé. Pour tenter d'apaiser la situation, Ben Ali a limogé, hier, son ministre de l'Intérieur. Pour tout pouvoir autocratique, l'ouverture est un exercice périlleux. Il n'a pourtant pas d'autre choix pour durer.

Les violences en cours ont un écho particulier de ce côté de la Méditerranée. En tant qu'ancienne puissance coloniale, la France a une position sensible, mais son silence surprend. Pour plusieurs raisons. La proximité ne rend pas moins choquant le tir à balles réelles sur les manifestants. La présence en France de nombreuses personnes d'origine tunisienne (l'absence de statistiques empêche malheureusement de savoir combien) dont le destin est, directement ou non, lié à cette terre rend cette prudence incompréhensible. Enfin, le risque de déstabilisation que porte avec lui ce type de mouvement social n'est pas de bon augure.

Le rempart contre l'islamisme, que la Tunisie a pu représenter, risque de s'affaiblir au moment même où le terrorisme et l'islamisation des sociétés du Maghreb et d'Afrique sahélienne se renforcent. Tout délitement de l'État est lourd de menaces dans cette région. C'est ce qui rend l'absence d'ouverture démocratique du passé récent encore plus coupable. Il est peut-être encore temps. À condition que la voix de l'Europe et de la France porte davantage, pour que Ben Ali finisse par entendre.

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